Fallait-il donner l’Oscar du meilleur film à cette peinture cinématographique naïve? La forme de l’eau ne mérite pas l’engouement de la critique ni d’Hollywood. Sauf si on le considère comme un film politique anti-Trump.
L’histoire de cette muette qui tombe amoureuse d’un humanoïde amphibien fait d’abord référence à La Belle et la bête. Un monstre aux clignements d’yeux inattendus, une femme amoureuse du monstre, et l’affaire est dans le sac.
On ajoute que le méchant est très méchant, que les gentils sont très gentils, que l’amour peut tout, que l’autre est mieux que nous car il fait des miracles, et l’on a un conte façon Bisounours qui devrait plaire aux 5-10 ans – nonobstant quelques courtes et pudiques scènes de sexe.
Le film est annoncé comme un plaidoyer pour la diversité et la différence. Ce n’est pas nouveau. Sur ce thème la littérature et le cinéma ont produit divers cas de héros étranges ou décalés. C’est même devenu presque une tradition. Depuis des décennies on met régulièrement en avant des fous, des personnages en rupture, des asociaux.
Dans La forme de l’eau on n’a que des minorités: la muette, l’être aquatique, la nettoyeuse black, l’homo discret. Même le méchant devient une minorité tellement il est méchant.
L’on sait d’ailleurs très rapidement qui sont les gentils et les méchants, et quel camp il faut prendre. Pas de subtilité, d’approche feutrée, de finesse, de suspens, de nuances, de travail sur la complexité. C’est du gras-double culturel.
L’amphibien a même une étrange particularité: on sait que c’est un mâle mais on ne voit pas son sexe. L’entrejambe ressemble plutôt à celui d’une femelle. Mais non, c’est bien un mâle. On se demande d’abord comment ils font, puis on accepte d’ignorer son anatomie. Après tout, Hollywood doit se refaire une morale après Weinstein.
Sauf que, sachant qu’on se serait posé la question, le réalisateur fait expliquer à la muette, avec des gestes, comment l’amphibien est fait: ça s’ouvre dans son corps et le sexe pointe. La première image qui m’est venue est celle d’Alien. Référence contre-productive pour un monstre amoureux.
J’aurais préféré ne rien savoir. Rester dans le flou. Cette explication est pour moi signe de la pauvreté du scénario, qui n’arrive pas à suggérer les choses. De même quand la muette dit à un collègue qu’il est un homme bon. On l’avait remarqué, pas besoin de le dire! Dans ce sens c’est un film pour petits enfants qui ne connaissent pas encore les codes comportementaux et cinématographiques.
Ce film montre donc le monde selon les « gentils ». L’amphibien peut certes tuer mais pour se défendre. Il est intelligent, communique, apprend la langue des signes en 5 secondes. Et comme tout bon héros mâle il est le plus fort.
Le méchant meurt, la muette se révèle possiblement être une proto-mamphibienne qui respire aussi sous l’eau (les cicatrices sur son cou sont-elles d’anciennes branchies opérées?), et ils seront heureux et auront beaucoup de petits têtards. Car selon Wikipedia:
« Sans famille, Elisa Esposito (Sally Hawkins) a été trouvée, enfant, dans une rivière. Elle porte au cou des cicatrices semblant témoigner de violences exercées sur son larynx, qui expliqueraient qu’elle soit muette. »
Le réalisateur a pris le parti de poser les choses comme un fait accompli. Il n’y a guère de progression, presque tout est dit et figé dès le début. On ne sait pas à quoi l’homme bon fait référence quand il affirme que l’amphibien est intelligent.
On ne sait pas comment elle peut devenir amoureuse si rapidement de cet être, mais elle doit l’être pour justifier que le film est une histoire sur la diversité. En fait les personnages (à part l’amie black, très joliment interprétée par Octavia Spencer), et le film entier, sont des caricatures. Le parti-pris de distance du réalisateur éteint les émotions.
J’ajoute qu’à ce scénario très faible s’ajoutent des soupçons de plagiat. Guillermo del Toro a-t-il pris l’histoire de la pièce Let Me Hear You Whisper, en la remaniant un peu? Et son amphibien, ne ressemble-t-il pas étrangement à celui d’un film de 1954, L’étrange créature du lac noir (images 3 et 4)?
Je n’ai enfin pas goûté l’esthétique. Je trouve les images globalement laides et oppressantes, à quelques exceptions près dont celles de la fin dans l’eau. D’ailleurs à peine sorti de la salle il n’en reste rien.
Je reste interloqué par les qualités qu’on lui attribue, et surtout les prix. En plus de l’Oscar du meilleur film, il y a celui du meilleur réalisateur, et le Lion d’Or à Venise en 2017. Pour un film si pauvre? C’est forcément politique. Une allégorie anti-Trump qui veut fermer le pays aux différents du Mexique et à une diversité non contrôlée. Tien, justement, l’amphibien a été capturé au Mexique. Un hasard? Vous n'y pensez pas.
Tiens, justement, ce week-end un journal télévisé de TF1 annonçait: « Le mur à la frontière mexicaine voulu par Donald Trump divise l’opinion ». Information inexacte: le mur a été voulu et voté par Bush, et commencé par le gentil Obama, pas par le méchant Trump…
Et contrairement à cette info il ne le fera pas sur les 3’200 kilomètre de frontière entre les deux pays puisque 1’200 km sont déjà construits. La presse biaise délibérément l’info selon le parti-pris politique qu’elle veut imposer. Elle doit s’informer sur Twitter…
Quant à l’amphibien, on ne saura pas ce qu’il était avant d’être capturé par un humain: un gentil lézard d’eau, tout roudoudou et inclusif multichose? Ou un dominant sans pitié pour son espèce ou pour les autres espèces? Logiquement c’est la deuxième hypothèse qui l’emporte. Un combattant si efficace ne vient pas d’une génération spontanée. L’évolution a créé son attirail meurtrier et en a fait un prédateur.
Par exemple, on voit (presque) comment il mange un chat vivant. Je laisse imaginer combien ce pauvre petit monstre victime du grand méchant blanc a égorgé, déchiré, mangé de victimes en tous genres. Ce n’est pas grave: même les gentils commettent des impairs.
PS: un autre point de vue sur ce film, celui de Didier Bonny, plutôt critique lui aussi.
Commentaires
J'ai bien aimé "L'étrange créature du lac noir" à sa sortie et son affiche de promotion. Il est vrai qu'à seize ans, à l'époque, on n'était pas gâté en images de belles femmes à moitié dénudées, ou même en chaste costume de bain, et qu'on avait encore l'excuse de croire que la lointaine Amazonie cachait des mystères effrayants.
On pourrait penser qu'aujourd'hui ce serait un spectacle pour les enfants de 6 ans. S'il faut choisir entre la constatation que le public d'aujourd'hui s'est infantilisé et le fait que la "machine à rêve" continue à fonctionner, quelle que soient l'évolution des savoirs, je choisis, contre tout argument contraire, la seconde partie de l'alternative, car espérer c'est vivre vivre c'est espérer.
Oui, j'entends cela.
Les films qui m'ont marqué avec des personnages clivants et décalés sont1 Paris Texas, Elephant Man, par exemple, qui allaient loin dans l'élaboration des personnages, et du thème de l'exclusion.
Je suis souvent critique, j'oscille entre les deux partie de l'alternative. Ma réaction à chaud était très négative. Je me suis laissé le temps pour nuancer et argumenter. Là, je n'ai pas rêvé, peut-être parce que le présupposé politique du film, largement diffusé, a parasité le côté rêve. Mais quand-même, les ficelles sont grosses.
C'est un film assez nul heureusement que je l'ai vu sur internet gratuitement!
J'aime bien l'avis de Mère grand sur ce film.
En effet je l'ai vu au premier degré sans aucun préavis, nonobstant volontairement toutes ces analyses orientées.
J'ai trouvé un conte gentillet. L'amphibien serait une partie oubliée de nous lors de notre voyage à travers l'évolution, etc ... ?
Mais j'ai apprécié une reconstitution de l'ambiance des années 50, avec la précision des images d'aujourd'hui; j'ai apprécié des personnages atypiques par rapport aux film des années 50, sans jamais penser à une représentation d'un panel de minorité à défendre; et enfin voir une lumière sentimentale au milieu de cette époque et environnement froid, a quelque chose de sympathique.
Pour le reste le méchant est méchamment caricaturé et de toutes façons bien en dessous de ce je j'attendais suite à l'engouement suscité.
J'y suis allé comme j'allais voir un film de Subiela à la fin des annees 90, Pequeños milagros par exemple,mais cela n'avait malheureusement rien à voir
Je complète, si c'est nécessaire, mon intervention en précisant que "L'étrange créature du lac noir" ne fait pas partie des films qui m'ont le plus marqué dans ma vie. Pour cela, il faudrait plutôt chercher du côté de "Rashomon", de "Un tramway nommé désir" ou de l'un ou l'autre Bergman. Une énumération loin d'être fermée, tant j'en ai vu et aimé au cours de ma vie.
Autre critique, plus sévère. Je me demande où il trouver tout cela dans le film, sauf à le rajouter par extrapolation, car le film ne le dit pas:
https://www.causeur.fr/la-forme-de-l-eau-del-toro-149893?utm_source=Envoi+Newsletter&utm_campaign=019cf75472-Newsletter&utm_medium=email&utm_term=0_6ea50029f3-019cf75472-57697085
Bonjour,
J'ai vu ce film et l'ai trouvé très "poétique".
Vos critiques sont un peu puériles (le sexe de cet être est comme celui des crocodiles, vu de l'extérieur c'est une simple fente ; si c'est un mâle coucou il en sort un pénis).
Les méchants sont très méchants dites vous ; ben oui comme dans tous les films d'action il y a les bons et les méchants ; qu'avez vous à redire ?
Je me demande vraiment 1_ Si vous avez réellement vu le film et 2_ Si vous avez perdu votre âme d'enfant ?
Un film qui vous déplait, hl, ne peut etre tout-a-fait mauvais. Au-moins on est certain qu`il ne nous sert pas une soupe pervers-narcissique comme votre blog.
@ jlduret:
Bonjour,
La référence aux crocodiles est précise et concrète. Mais est-elle pertinente? Je ne pense pas. À moins d'un croisement très improbable, ou très très ancien. Son aspect humanoïde et son comportement laisse supposer une branche de l'humanité, pas des sauriens, lesquels n'auraient d'ailleurs laissé personne vivant. Cela dit la carapace d'écailles est propice pour cacher le sexe.
Les méchants: dans les films d'action c'est ce qu'on attend d'eux. Et même dans quelques-uns, même dans les Bruce Willis, les méchants ont un personnage un minimum élaboré et nuancé. Ici ce n'est que caricature. Que le style du conte permette des simplifications, ok, mais je trouve qu'on est ici dans une présentation trop minimaliste et caricaturale des personnages et des interactions entre eux.
Ensuite, si j'ai vu le film? ce n'est pas très sympa de me soupçonner d'écrire sans l'avoir vu! Mais oui, je l'ai vu lundi au cinéma Arena à La Praille.
Et ai-je perdu mon âme d'enfant? Est-ce à dire la capacité à rêver sans être critique, par exemple? Je ne le pense pas même si je suis devenu plus réaliste avec le temps.
J'ai aussi toujours lu des contes et légendes, depuis gamin. Mais je ne me départis pas du sens critique que j'ai développé.
Cela dit, chacun a sa perception et je prends acte de ce que des commentateurs ici ne partagent pas mon point de vue. En les lisant j'ai tenté de repenser le film selon leurs yeux, mais je n'ai pas réussi.
J`aime bien votre réponse hl, je retire ce que j`ai écrit plus haut.
Merci JJ.
Nous sommes parfois à couteau tiré, mais je prends l'engagement de ne plus vous faire de réponse comme celle d'il y a trois jours.
OK, fumons donc le calumet de la paix :)
Avec plaisir, ce sont les meilleurs moments.
=¿=
Juste rectification car on sait ce qu'était l'amphibien avant sa capture:
On explique qu'il y a eu des recherches en Amazonie se basant sur des légendes pour trouver l’humanoïde amphibien. Donc les recherches ne viennent pas de nul part et la fin du film confirme que la créature est un Dieu Inca car on ne peut pas le tuer et il peut redonner vie... Comme un dieu. En plus de faire référence à la belle et la bête il fait référence à ces légendes de la mythologie ou le Dieu tombe amoureux d'une humaine.
Il s'inspire notamment de ces films qui mélange mythe et science comme "La cabane dans les bois"