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Territoires (1) : Nations et peuples autochtones

Il y a globalement deux discours. Par l’un on fustige le concept de Nation, en particulier en Europe. Son slogan: la Nation c’est la guerre. Par l’autre on valorise les nations ethniques, minoritaires et parfois opprimées, ou sans terre.

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Par exemple on parle de Nations indiennes à partir d’une vision romantique et naturaliste des amérindiens, alors qu’en Europe on mélange les nations et le nationalisme belliciste.

Ce concept de Nation est diabolisé en Europe, à cause des nationalismes de tous bords qui ont mis le monde à feu et à sang. Pourtant ce même nationalisme a été glorifié quand il s’appliquait aux nations arabes. Le nationalisme est-il plus respectable s’il est de gauche?

On accuse les nations de produire inévitablement un nationalisme belliqueux. On veut leur substituer un internationalisme ou un mondialisme dont un des objectifs est d’effacer les frontières nationales et de mélanger les populations.

Parce qu’en Europe, l’idée d’une terre dédiée à une nation et protégée par des frontières, c’est considéré comme mal. Mais si l’on vient d’une nation indienne, réclamer une terre à soi est considéré comme bien.

L’appartenance terre-peuple est un fait très ancien. La culture, la tradition, l’Histoire des populations autochtones et leur discours sur le « retour » (sur une terre qui est désignée comme la leur) démontre d’ailleurs l’importance du territoire et de ses limites dans la construction d’une communauté et des individus qui la composent. C’est une réalité structurante des groupes et des individus.

 

 

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Dans le film Jeremiah Johnson, Robert Redford sauve une famille de colons d’une tempête de neige en profanant un cimetière de la tribu indienne des Crow. Il sera désormais poursuivi dans une lutte à mort par des membres de cette tribu. Un cimetière amérindien est une terre sacrée et exclusive.

Les amérindiens font partie d’un imaginaire romantique pour beaucoup d’européens et de nord-américains. Le film Danse avec les loups propose par exemple une vision édulcorée de cette vie rêvée, que l’on imagine écologiste, pacifique et emplie de sagesse et proche de ses racines.

Or ces amérindiens étaient souvent en guerre les uns contre les autres. Ils n’étaient pas réputés pour être doux et pratiquaient l’esclavagisme à l’encontre des prisonniers femmes ou hommes – quand ils ne les tuaient pas.

Ils ne sauraient donc être des modèles utiles pour nous. Mais notre matrice chrétienne nous fait les aimer aujourd’hui, en partie parce qu’ils étaient minoritaires et moins bien armés que les détachements militaires accompagnant les colons.

Je lisais hier l’intéressant billet de Djemaa Chraiti sur le peuple Mapuche d’Amérique du sud, et l’une de ses porte-parole, Flor Calfunao Paillalef. Ce peuple avait une terre à lui, un pays reconnu. Cette terre leur a été prise.

Aujourd’hui une représentante des Mapuche le déplore et parle de sa terre dans un langage poétique à nos yeux, voire mystique, mais au fond avant tout écolo-nationaliste:

« Sans la terre nous ne sommes rien, nous appartenons à la terre, comme elle nous appartient, cette terre de nos ancêtres. »

 

 

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La terre nous appartient, ou Mon corps m’appartient: il y a une étrange proximité dans ces deux déclarations qui semblent être puisées aux mêmes racines.

Le territoire d’un peuple détermine des espaces exclusifs et des appartenances, voire des identités:

« Flor Calfunao Paillalef (…) a confiance en l’avenir, elle représente un peuple qui a une histoire – « c’est pour la mémoire de nos parents, de nos arrières-grands parents que nous luttons, ils nous ont légué un héritage que nous préserverons, voilà notre fierté et une fierté participe à l’identité d’un peuple. »

Pays, frontière, culture spécifique, héritage, mémoire, identité: ces mots aujourd’hui vilipendés chez nous, sont chez eux des messages d’espoir et d’avenir. Allez comprendre…

Je pense que la culpabilité et une part de condescendance font que l’on arrive à magnifier des cultures archaïques ou encore embryonnaires au détriment de la nôtre. Cette posture est un vecteur de nationalisme. Par exemple, le soutien à la création d’un État palestinien – et donc soutien au nationalisme palestinien – est la démonstration de l’importance des Nations, aujourd’hui encore, y compris pour ceux qui à gauche dénigrent l’idée même de nation.

Le billet de Djemaa cite également une sorte de prière de nouvel-an des Mapuche:

« … les Mapuches se tournent alors vers leurs champs en s’adressant à eux: avez-vous été bien soignés ? Les remercier pour leur récolte et demander aux arbres fruitiers pourquoi ont-ils si peu donnés : vous manquent-ils quelque chose? Ô terre nourricière, Ô notre mère à tous, sommes-nous dignes de vous ? 

 

 

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Puis élever le chant de la terre aux animaux, se plonger avant le lever du soleil dans les rivières et se sentir en parfaite harmonie avec l’eau et la terre et s’inspirer de l’énergie environnante car tout n’est que vie. »

La voie chamanique d’union avec la nature est très respectable et intéressante. Djemaa a publié quelques jolis billets sur le sujet.

Mais si cette invocation et cet attachement à la terre sont perçus comme importants, profondément justes et respectables, pourquoi ne serait-ce pas aussi le cas dans les pays modernes?

Pourquoi les ethnos ont-ils une légitimité quasi mystique à revendiquer et célébrer leur terre, celle de leur passé et de leurs traditions sacrées, à la défendre bec et ongles, alors que les blancos sont, eux, objets de dénigrement et de jugements moraux négatifs quand ils font de même?

On pourrait invoquer le colonialisme européen. Dire que les méchants sont punis et n’ont plus droit à une identité de groupe mais que les gentils, eux, l’ont encore. Pourtant les victimes d’aujourd’hui, les gentils, ont souvent été les bourreaux d’hier.

L’attachement ou l’appartenance à une terre, et la constitution en groupes établis sur des territoires définis et délimités, sont naturels et légitimes sans être absolus. Ils viennent de beaucoup plus loin que le colonialisme et l’esclavage, fussent-ils européens, mongols, arabo-musulmans, zoulous ou autre.

Je ne vois donc pas de justification à une différence de traitement entre les nations, qui sont l’expression de cette appartenance.

 

 

Image 1: tribu éthiopienne de l’Omo; image 2: autre tribu en Éthiopie; image 3: tribu Yoruba; image 4: tribu yéménite.

 

 

À suivre.

 

 

 

Catégories : Philosophie, Politique, Refondation, Repères, société 2 commentaires

Commentaires

  • Très intéressant. Intéressant, en particulier, la mise en évidence des contradictions auxquelles nous mènent souvent nos prises de positions non analysées et reposant uniquement sur nos sentiments.

  • Est-ce qu'il y aurait une corrélation entre notre urbanisation et notre nostalgie d'un paradis perdu ?
    L'idéalisation du " bon sauvage" proviendrait de notre conscience d'être très éloignés de la vie de nos ancêtres même assez récents.

    Votre billet me fait penser à "Mille femmes blanches", un roman qui expose d'une façon assez crue les défauts de la société américaine du XIXème siècle, dans le contexte de ce qui était appelé la Conquête de l'ouest.
    On y lit une description de la vie des Cheyennes, dont le chef aurait réclamé 1000 femmes blanches pour consolider la paix conclue autour de 1874.
    Il s'agit des carnets fictifs de l'une de ces femmes, mais l'auteur est un Américain du nom de Jim Fergus.

    Je dirais qu'à part la trame romanesque et l'histoire en tant que telle, il y a l'idée que malgré l'apparente cruauté et un ordre social très strict, les Cheyennes seraient en fin de compte moins terribles que l'armée américaine ou que la famille bourgeoise de cette narratrice qui l'a honteusement ostracisée.
    On comprend surtout que la coexistence sur un même territoire des deux systèmes (l'américain en devenir et l'autochtone en place de longue date) n'était pas possible. Les guerres entre le tribus sont dépeintes, ainsi que l'attachement à des lieux précis.
    On comprend aussi que l'individu n'avait pas du tout la même valeur qu'à présent, que ce soit dans la société américaine d'alors ou dans la tribu cheyenne ou sioux, où chacun devait remplir son rôle dicté par la coutume et la religion.
    Je crois que le roman a été écrit dans l'idée d'exposer ce que pouvait être la vie dans une tribu amérindienne et d'en décrire des avantages, en plus des inconvénients. Les femmes blanches s'adaptent petit à petit, se rendant compte qu'il n'y a pas d'autre issue possible, à cause des enfants arrivés entretemps.

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