Cette petite phrase discrète fait mal. Ou mâle. Les tenancières du langage inclusif subissent un camouflet. Je publie ci-dessous l’infographie qui accompagne l’article qui a inspiré mon précédent billet. Ce graphe illustre, en pourcentage, l’exposition des femmes au risque du Covid-19.
Il a été réalisé par Duc-Quang Nguyen, journaliste de données à Tamedia, sur la base des données statistiques de l’OFS helvétique.
Je ne le publie pas pour les données, dont j’ai souligné un biais majeur. L’intérêt est dans la petite phrase de fin en bas à gauche de l’image (clic pour agrandir). Elle dit:
« Noms des métiers au masculin pour des raisons de clarté et de lisibilité ».
La manière est élégante. Elle contient pourtant en creux une critique implacable de ce que l’on nomme l’écriture inclusive. En clair, la féminisation sur papier apporte confusion et rend les messages illisibles.
Que cela soit publié dans un grand média est remarquable. Qu’un journaliste l’exprime même en creux fait du bien.
Commentaires
@hommelibre,
Le français est une langue claire et élégante, mais dont la logique n'est pas universelle. J'ose le dire.
En tant que non-francophone, je sais que je vais m'attirer les foudres de ceux qui sont attachés aux fondamentaux de leur langue maternelle.
Parmi mes nombreux défauts, il a celui d'être attachée à l'idée que la cohérence entre la forme et le fond est une belle chose. Et même élégante. Et que la description de la réalité, dans un texte informatif serait vraiment claire, si elle collait aux faits.
Le français est une langue attentive au genre et au nombre, ce qui génère, entre autres, le casse-tête de l'accord du participe passé. Je crois qu'on ne le résoudra jamais en faveur de l'efficacité, car l'orthographe est un conservatoire, avant d'être un outil.
Et les non-francophones sont perçus comme les éléphants dans ce conservatoire de porcelaine. ;-))
La gestion du genre et du nombre ( vocabulaire et grammaire) me fait penser à ces défilés de haute-couture, où on voit des vêtements improbables que peu de gens pourront porter dans leur vie, car leur vie n'est pas à la hauteur !
Tout de même ...
Ce tableau manque de cohérence interne et cela dès le
départ. Le premier métier y figurant est certes écrit clairement et avec élégance, mais il n'est pas au masculin ! A mes yeux, cela gâche l'élégance formelle du tableau.
C'est clair que si le 2% des assistants médicaux sont des hommes, il faut écrire ce mot au masculin.
Et ainsi de suite : si dans la réalité, le 96 % des éducateurs de la petite enfance sont des éducatrices, on écrit "éducateurs".
Je pense que l'explication du départ surprenant du tableau censé être au masculin réside dans le fait que la toute dernière entrée ( 3 % des pompiers sont des femmes-pompier), aurait fait aussi peu clair que " homme sage-femme".
Depuis que les femmes travaillent massivement en-dehors de leur foyer, le français se retrouve dans une quadrature du cercle. Comment conserver la beauté de la langue dans un monde qui change ?
"Elégant et lisible" est l'objectif de la personne qui a composé le tableau. Il faudrait bien définir " lisible".
De quelle lecture s'agit-il ? La lecture de la réalité du terrain ?
Ou le tableau est-il là pour être un beau tableau, avec des chiffres et des lettres ?
Bonjour Calendula,
Quel démarrage en trombe dès le matin!
:-)
L'élégance est aussi une sorte de respect pour le sujet traité et pour le/la lect·eu·r·ice. Dans la liste une faible partie des professions ne demandent pas de féminisation. Pour les autres, comment aurait-on dû faire? Inclure ou redoubler? Redoubler est plus élégant et inclusif.
Le tiret, le point médian, le point, la barre oblique, et un découpage lui-même souvent tronqué et une féminisation à la traîne, sont à l'élégance ce que les chutes du découpage d'un patron sont à la haute couture.
Mais le redoublement occupe de la place sur un graphe de synthèse, et les autres formes sont en l'état aléatoires.
Exemples de difficultés:
Sages-femmes, hommes sages-femmes (ou sages-hommes?)
Assistants médicaux, assistantes médicales; en inclu: « assistant-e-s médica-les-ux »
« Éducat·eu-r-ice-s de la petite enfance »; l’ordre alphabétique est respecté au maximum comme référent stable (par exemple, éducateurs-trices n’a pas de logique alphabétique)
« Guichetiers et guichetières postaux et postales », ou: « Guichetiers postaux et guichetières et postales »; ou: « Guichetie·è·r·e·s posta·les·ux ».
Dans ce dernier cas, supprimons par élégance le E accent grave: « Guichetier-e-s » (tant pis pour la suppression d’un caractère induisant la féminisation). Et pour « posta·les·ux » on ne sait plus: « posta·le·u-s-x « , ou « postales-aux », ou postau-le-s-x », …
Etc…
Ensuite, si l’on redoublait les mots qui ne sont pas trop long, tout en gardant la référence alphabétique, on verrait au pluriel: « Pompières, pompiers », et au singulier: « Pompier, pompière ».
Sur ce tableau je trouve que la mise au masculin neutre évite la multiplication des exceptions. Elle préserve la cohérence et l’aisance visuelle, ainsi qu’une lisibilité sans accroc.
Oui ! Réveil impitoyable par des oiseaux assez déchaînés sur le rebord de la fenêtre, dès 6h ce matin.
Autant en profiter. :- ))
Complètement d'accord avec le principe du respect, respect des lecteurs !
Selon ma logique ( mais elle vaut ce qu'elle vaut ) j'aurais écrit tout au féminin, puisque le sujet malheureux de l'article était de démontrer que les métiers de soignants étaient majoritairement exercés par des femmes.
Çà aurait été, à mes yeux, une façon de respecter la cohérence interne d'une langue qui non seulement connaît la forme féminine, mais tient à ce qu'on la prenne en compte dans des accords complexes.
Mais j'ai bien compris que le masculin englobe tout, dans ce cas-là. Toutefois, je sais que je ne suis la seule à visualiser un homme lorsque je lis ou entends " aide- soignant".
Le bon côté de ce tableau, c'est qu'il peut inciter des lecteurs à s'orienter vers les métiers actuellement très féminins.
Il y a toujours un bon côté !
Je vous rejoins totalement Hommelibre sur l'écriture inclusive et certaines professions sont ouvertes aux deux sexes même si un seul mot suffit pour le démontrer :
Secrétaire, Clerc d' avocat ou de notaire, Comptable, Juge : tribunal ou d'instruction, Concierge, Barmaid, Balayeur (balayeuse étant la machine), Garde-bains, Caviste, Dentiste, Gestionnaire, Peintre, Photographe, Graphiste, Polygraphe, Maquettiste, etc...
A force de vouloir tout féminiser, on rend l'orthographe et la grammaire encore plus compliquées qu'elles ne le sont déjà pour toute une frange de la population.
Pour la visibilité du tableau, il est en effet plus clair ainsi, mais, et là je suis d'accord avec Calendula, il manque de cohérence, en commençant par sage-femmes. Le piège a été évité en employant "service de nettoyage", neutre.
"En clair, la féminisation sur papier apporte confusion et rend les messages illisibles" dites-vous. Peut-être dans certains cas, mais peut-être aussi faudrait-il se demander si pour les femmes le message est lisible quand leur métier est écrit au masculin.
Enfin, je voulais vous soumettre un article intéressant sur ce sujet:
https://www.lefigaro.fr/langue-francaise/expressions-francaises/2017/11/17/37003-20171117ARTFIG00051-paris-est-elle-une-ville-hote-ou-hotesse.php
Bonne journée à tous...et toutes:-)
Je comprends votre idée Calendula. L'option de tout féminiser aurait peut-être bien été plus cohérente dans ce cas précis.
Il reste que même à "seulement" 25%, les hommes sont concernés et se dévouent autant que les femmes, et vice-versa. Du moment où ils sont cités on devrait, me semble-t-il, ne pas différencier les sexes/genres.
Sur son blog Jean Batou alimente aussi le biais. Premier paragraphe:
"Parmi les personnes hospitalisées ou décédées pour cause de COVID-19, les hommes sont sensiblement plus nombreux. Les raisons de cette différence ne sont pas encore établies de façon systématique. En revanche, les femmes sont clairement surreprésentées parmi les victimes économiques et sociales indirectes de la pandémie en cours, dans le monde du travail comme au sein de la famille."
Et après? Plus rien sur les hommes, mais une longue tartine convenue sur les femmes...
http://regardcritique.blog.tdg.ch/archive/2020/03/31/covid-19-au-feminin-305480.html
Ce n'est pas sérieux, et enlève singulièrement le crédit à apporter à ces propos. Démagogie politique, quand tu nous tiens. Je n'ai aucune foi dans l'honnêteté de ceux qui pratiquent cette démagogie.
Bonjour Colette,
Le masculin s'est largement imposé historiquement pour les métiers demandant des caractéristiques plutôt masculines. Mais l'évolution technologique a permis une évolution sociale.
Je suis en accord avec l'idée d'une féminisation, dans
la mesure où l'on distingue une fonction d'un métier.
Il reste des cas litigieux. Pour moi, en principe, Juge est une fonction. mais c'est aussi un métier... Je partage également le besoin de s'identifier à la profession, donc de trouver une forme au féminin.
Il faut des règles linguistiques claires. Les femmes que je connais ne semblent pas dérangées à faire usage du masculin générique et si elles le sont, elles trouvent elles-mêmes à corriger. Par contre pas une seule ne souhaite endosser les bricolages avec tirets ou autres fantaisies.
Je préfère sans aucun doute les redoublements, même si cela alourdit parfois. Mais on peut tourner un texte sans en abuser.
J'ai découvert, en lisant certains livres en anglais, dont le Sapiens et Homo Deus (deux exemples de livres qui font grand bruit), un nouvel (en tout cas pour moi) usage de l'introduction du "genrisme" dans cette langue: chaque fois qu'un terme doit être repris par un pronom, même s'il désigne un animal, le pronom devient "she".
Exemples: "if somebody does not follow the rules of confinement, she will be fined up to 500 dollars* ou bien "the pig actually quite a clean animal: she just takes care of her body in a different way from ours" (dans ce cas même le "its" a cédé au genre féminin.
La féminisation des noms de métier, pourquoi pas. "Madame la Présidente" ou "Madame la Maire", on dit bien "Madame la Directrice. Je pense que c'est l'usage qui l'imposera.
Par contre, la répétition inutile à la compréhension ne s'impose nullement. "Les habitants du village inondé ont été sauvés" me paraît suffisamment clair pour ne pas ajouter "Les habitants et les habitantes... ont été sauvé(e)s". On sait bien que l'on n'a pas laissé les femmes se noyer.
Mais l'écriture inclusive, niet ! Illisible et stupide !
C'est une bien petit victoire que vous allez chercher ici. Le fait de devoir souligner que c'est par soucis de lisibilité et non par usage correct de la langue que l'on ne met que la formule au masculin est pour moi au contraire signe d'une défaite.
Je me suis aussi posé la question. J'en ai déduit que le "she" correspond à la personne qui est un nom féminin en français comme en anglais.
Comment féminiser «le genre humain»?
@hommelibre,
Si le texte de Jean Batou vous semble biaisé, il vous faut tout de même admettre qu'il ne représente pas tout à fait ce qu'on appellerait l'opinion mainstream à Genève.
Je vous recommande le dernier billet de J.F. Mabut et vous en livre un passage :
"Ici, il y a heureusement aussi des gens qui bossent. Et plus que d'habitude. On parle beaucoup des soignants. Tous ne sont pas au front. Ceux qui le sont ont du mérite mais pas plus que les travailleurs agricoles, les policiers, les transporteurs, les postiers, les journalistes, les travailleurs de l'industrie alimentaire, les administrateurs, les politiciens, bref tous ceux qui permettent aux confinés mensualisés ou rentiers de vivre majoritairement plutôt bien. "
En le lisant, je ne me suis pas sentie négligée. Je n'y ai vu aucun oubli des femmes. C'est un point de vue personnel.
Et je partage la conclusion. En tant que retraitée, je suis tellement reconnaissante à ceux et celles qui travaillent pour le bien commun et je ne sais pas ( encore) que faire pour soutenir les indépendants.
J'ai bien sûr commencé à commander des fleurs coupées et des plantons. J'essaye d'aller dans de petits magasins d'alimentation, mais il faudrait faire bien plus !
Une de mes filles s'est portée volontaire pour accueillir les personnes qui pensent être atteintes du covid.
Elle a dû être réaffectée en tant que salariée du système de santé vaudois.
Le fait qu'on parle d'elle ou pas ne change rien à son engagement. On fait ce qu'on fait soit parce qu'on n'a pas le choix ( caissières, aides-soignantes, nettoyeurs, techniciens des SIG, médecins, etc), soit parce qu'on considère que c'est à faire.
Dans une société où la controverse est omniprésente, mieux vaut s'affranchir de l'idée qu'on va être apprécié ou mieux : remercié !
Si par une sorte de divine surprise il se trouve des gens pour vous remarquer, vous encourager ou vous remercier, il faut le prendre non comme un dû, mais comme une exception bienheureuse.
Et continuer en toute autonomie.
Je suis sûre qu'il y a une satisfaction intrinsèque à se sentir utile. Tout en sachant que personne n'est totalement indispensable, si l'équipe est solide.
Probablement de la même façon qu'on masculiniserait " la recrue", "la personne" et " la victime" . ;-)))
On voit bien qu'il y a des limites à tout et que l'arbitraire du signe est une réalité.
Rabbit, suggestion avec petit clin d'oeil à la Comté de Tolkien:
"La Genré humaine"
Bien vu, mais "comté" était souvent un mot féminin, comme dans Franche-Comté.