Une armée de vertueux sort du bois depuis quelques temps. De nombreuses pubs vantent un virage environnemental sans que l’on sache si c’est nouveau et bien réel.
Aldi drague les jeunes générations en faisant du « Mieux pour la vie ». Cette pub, en fin de billet, reprend les poncifs à la mode, dans une répétition qui commence à chaque fois par « Plus de »:
… plus suisse, plus régional, plus équitable, plus d’économie, bref toujours plus. Le monde d’après fonctionne sur les mêmes mécanismes consommants que celui d’avant.
Toujours plus (mais pas plus de goût dans la bouffe insipide d’Aldi). C’est dans la veine du Tout et tout de suite de 1968.
Consommez, dépensez moins, devenez national-régionaliste, etc, etc. C’est vertueux.
On demande également un surplus de vertu chez les femmes et les hommes politiques ainsi que dans la police. Cette vertu a un nom: l’exemplarité. Tous ces gens, ces femmes, ces hommes comme vous et moi, qui n’ont pas eu la chance de naître saints, devraient endosser l’habit du moine, auquel on demande de pratiquer de nombreuses vertus.
L’exemplarité est un piège et une prétention erronée. Elle nous oblige à un contrôle permanent de nos comportements et leur mise en phase avec les attentes publiques. On se conforme intégralement au jugement des autres. On doit se montrer mieux que les citoyennes et citoyens lambda.
Or à mon avis il n’y a pas à être exemplaire, pas à se montrer meilleurs que les autres. Pas besoin d’en rajouter. Il suffit de faire les choses de manière la plus juste et en respectant les lois. Cela suffit, tout y est.
On fait les choses au mieux non pas pour plaire aux autres mais selon notre conscience. Montrer aux autres ce que l’on fait de bien c’est chercher une reconnaissance ou un bénéfice personnel. Et cette quête du bénéfice personnel est l’élément corrupteur.
On ne devrait pas tirer gloire, honneur ou autre avantage d’une attitude, si elle ne relève pas d’un concours ou d’une récompense promise mais uniquement de la justesse.
On ne devrait pas montrer ses bonnes actions, sauf par exemple à ses enfants au titre de leur éducation. On ne devrait pas s’en prévaloir et ne pas – en raison de celles-ci – dévaloriser celles et ceux qui fonctionnent différemment.
Si vous montrez trop combien vous êtes parfaits, vous cherchez peut-être une position de domination morale. On vous cherchera des poux, car personne ne l’est. À cause de nos erreurs, restons humbles.
Pour moi la plupart des personnes ou firmes qui étalent aujourd’hui leur vertu font du bullshit. Il cultivent une vision manichéenne du monde en se plaçant eux-mêmes du bon côté. Notez, si Napoléon s’est bien auto-proclamé empereur, les marionnettes du camp du Bien peuvent bien se proclamer vertueuses et le montrer à tout va.
Cependant, comme le développe Daniel Soulez Larivière, la transparence n’est pas une vertu.
Les vertueux se montrent trop, ils veulent trop être aimés. Leur transparence est une forme de narcissisme exacerbé. Leur cœur est corrompu à cause de cela: quand ils agissent pour le bien du monde, ils en prélèvent au passage une part pour eux-mêmes. Cela n’est justement pas vertueux.
Pour cette raison je n’écoute plus les porteurs de vertu. Et je reste éberlué de voir les réseaux sociaux vomir tant de haine, de jugements et d’exclusion au nom de la vertu, de l’amour du prochain et de la justice.
Aldi plus plus plus:
Commentaires
"On fait les choses au mieux non pas pour plaire aux autres mais selon notre conscience. "
Je pense comprendre le sens de ce billet et j'adhère au principe. Pourtant, j'observe que ce que l'on nomme "conscience" est une notion que personne ne maîtrise.
Je considère que la conscience est le résultat de la pensée et de l'expérience. Elle façonne nos personnalités et nous donne une direction qui est un peu comme une bouée de sauvetage dans le chaos de la vie.
Mais si l'on explore un peu plus à fond ce processus, il est possible de comprendre qu'il y a autant de consciences que d'individus et donc qu'il sera impossible de tracer des lignes directrices valables pour des collectivités, des sociétés, des nations voire l'humanité au travers de règles cadres à l'instar des droits de l'homme.
La conscience est donc intimement liée à la personnalité et elle est parfaitement relative. Que n'avons nous pas réalisé sous ce prétexte d'authenticité ? Même Hitler devait suivre, et peut-être plus que la moyenne, les impératifs de sa conscience.
Donc, pour extrapoler et en venir à mes réserves sur ce qui est dit ici, je considère que le seul moyen de développer la vertu au sens large consiste à renoncer à investiguer et tourner en rond dans les pensées contradictoires qui s'appuient sur des bases fragiles comme une pseudo vertu qui est bien décrite ici, ou une humilité feinte pour mieux attendre un objectif.
Dans le cas d'Aldi, il faut être vraiment simple pour ne pas voir à quel point la pub a évolué avec son temps pour toucher où ça porte. Et confirmer à quel point nous sommes des moutons.
En revanche, lorsqu'on parle de transparence, là on entre dans un domaine qui est, à mon avis, nécessaire pour que chacun puisse se faire une idée du sujet. Ce n'est que lorsque nous disposerons de TOUTES les informations qui entourent un produit, sa création, sa distribution, sa provenance, son origine, les frais de promotion, le respect des conventions, les frais de transport, les éventuels engrais qui ont permis son développement, bref tout ce qui tourne autour du produit. Et là, je me marre lorsque Aldi parle de transparence. Ils se foutent de la gueule du monde. Et devraient en payer le prix.
Sauf que...
Qui se pose ce genre de questions ?
Tout cela est vraiment d'actualité. Il n'y a plus de nuances. Il n'y a plus que le bien et le mal Mais quand on a un peu vécu, on s'aperçoit que les connaissances évoluent, les idéologies disparaissent, les certitudes faiblissent et les valeurs changent. Les diktats écologistes d'aujourd'hui deviendront obsolètes dans quelques années. La raison reprendra sa place et les gourous seront dans les oubliettes. Faisons confiance à notre intelligence et, comme Homme-libre, méfions-nous de ceux qui nous apportent la "vérité".
Il y a quand-même des critères collectifs qui forment les bases morales de la conscience. Par exemple, on apprend très vite que voler c'est mal. On l'apprend par l'éducation des parents et aussi par sa propre expérience: un enfant n'aime pas qu'on lui chipe ses jouets. Partant, il peut assez vite considérer ce qui est bien et mal.
Il y a ensuite une adaptation du principe collectif de base (p.e. ne pas voler) aux situations individuelles
multiples. Si par exemple, voler un pain sauve une mère de la famine, c'est mal en soi, mais en conscience on a fait du bien en donnant la priorité à la sauvegarde de l'intégrité d'une personne.
Je pense qu'il a bien des critères collectifs qui définissent la trame de la conscience et dont l'application juste dépend in fine de la décision personnelle d'un homme, comme Sully amerrissant sur l'Hudson.