Saga du CO2 (19) : pleut-il vraiment davantage ?
D’abord une bonne nouvelle: les sols d’Europe regagnent encore de l’humidité. Des couches encore sèches il y a un mois montrent aujourd’hui humides un bon taux d’humidité.
L’image 1 (copies d’écran Météoblue, clic pour agrandir) juxtapose quatre profondeurs. De gauche à droite et de haut en bas: 0-10 cm, 10-40 cm, 40-100 cm, 100-200 cm. Le sol contient un bon taux d’humidité sur toute la profondeur.
Une partie de l’Espagne a aussi profité de pluies. En comparant avec l’image 2 qui montre la situation en août dernier de 0 à 10 cm, la différence est très nette. Les régions humides au centre du pays ont profité des inondations de septembre: la masse d’eau s’est en partie infiltrée dans les sous-sols. C’est le bon côté des inondations: la stagnation de l’eau facilite sa percolation.
L’image 3, copie d’écran d’Info Sécheresse, confirme la bonne recharge des nappes phréatiques de surface. Les nappes profondes sont encore basses, Il faut plusieurs mois pour les recharger.
Ces données concernent la France mais en Suisse c’est pareil.
« Les fortes pluies de ces dernières semaines ont permis aux eaux souterraines d’atteindre des niveaux particulièrement élevés. MétéoSuisse signale même des records de précipitations dans certaines régions. »
Les pluies d’automne sont bel et bien revenues. Elles ont touché les terres de l’ouest au centre-est de l’Europe. Les courants aériens d’ouest ont dominé la météo et dirigé l’air humide vers notre continent.
Mis à part ces deux dernières années sèches, pleut-il davantage comme la théorie du CO2 le prévoit? Cette théorie est résumée ainsi:
« A mesure que l’air se réchauffe, la quantité d’humidité qu’il peut contenir s’accroît. Lorsqu’une tempête se forme, elle a donc plus d’eau à disposition dans l’atmosphère, et les précipitations sont plus fortes. » Gavin D. Madakumbura, hydro-climatologue. »
La presse a diffusé une piqûre de rappel ces derniers jours. Le site d’Europe 1 relaie une étude récente et titre:
« Climat : le réchauffement climatique intensifie encore plus que prévu les fortes pluies ».
L’étude, il faut le préciser, n’est pas fondée sur une observation de terrain actuelle. Elle sort du ventre électronique de modèles. Selon les chercheurs (extraits):
« Pour anticiper les conséquences du changement climatique, les scientifiques utilisent des modèles climatiques, mais selon cette nouvelle étude, ceux-ci ont sous-estimé l'augmentation des précipitations extrêmes. »
Parole d’expert:
« Ces travaux suggèrent que les conséquences "pourraient être bien pires que nous le pensions", a déclaré dans un communiqué Anders Levermann, de l’Institut de Potsdam pour la recherche sur l'impact climatique. »
Je remarque l’usage du conditionnel. Ce n’est donc pas certain. L’augmentation des précipitations intenses toucherait surtout les hautes latitudes et les régions tropicales. Cette conclusion me paraît un peu légère. Il ne pleut pas plus à l’équateur et, oui, la pluie est revenue en partie au Sahel, mais ce retour est normal. Il y pleuvait déjà avant.
L’auteur principal de l’étude, Max Kotz, a même déclaré:
« Notre étude confirme que l’intensité et la fréquence des fortes pluies augmentent de façon exponentielle avec chaque hausse du réchauffement mondial. »
J’ai beau chercher, je ne vois pas d’augmentation franche des précipitations, sauf locales et ponctuelles, et certainement pas d’augmentation exponentielle.
Les récentes inondations dans le nord de la France, par exemple, ne prouvent rien. J’ai déjà documenté ce météore. C’était écrit, rien d’extraordinaire.
La théorie est plausible: plus de chaleur, plus de vapeur, plus de pluies en particulier des pluies intenses (à cause du phénomène convectif généré par le supplément de chaleur). Il faudra plus de recul pour la vérifier. En l’état c’est peu perceptible, même si c’est possible.
En tous les cas c’est loin d’être automatique. Par exemple les épisodes méditerranéens ont été relativement « normaux » cet automne, alors que les fortes chaleurs auraient dû provoquer des déluges, selon la théorie.
Pour mémoire sur le épisodes méditerranéens ou cévenols:
« Selon Météo-France, trois à six fois par an en moyenne, des épisodes méditerannéens provoquent des précipitations intenses sur les régions du Sud de la France. En seulement quelques heures ou quelques jours, il tombe l’équivalent de plusieurs mois de pluie. Ces phénomènes ont tendance à se produire entre le mois de septembre et la mi-décembre. »
Cette année, malgré des conditions extrêmes, il y a eu relativement moins de ces épisodes que d’autres années.
Selon La Chaîne Météo, ces épisodes seraient moins nombreux mais plus intenses (image 5).
« A la lecture de ces archives, aucune évolution particulière de fréquence ou d’intensité de ces épisodes méditerranéens ne semble se détacher véritablement. Les données météorologiques permettent une analyse fine depuis les années 1950. Ces données recoupent la fréquence (le nombre) et l’intensité (les cumuls pluviométriques) de ces épisodes. Les travaux de recherche menés à ce sujet ne mettent pas en évidence de tendance claire d’évolution du nombre d’épisodes, qui reste marquée par une forte variabilité interannuelle, mais la tendance de fond indique une relative diminution de fréquence alors que les intensités semblent augmenter. Ainsi, les épisodes méditerranéens seraient un peu moins fréquents mais à priori plus intenses. »
Une étude sur le climat de Côte d’Ivoire montre même le contraire de la théorie:
« Les résultats montrent une rupture en 1968 qui marque une modification des régimes pluviométriques et hydrologiques. Cette rupture s’accompagne d’une diminution de la pluviométrie d’environ 19 % en moyenne et une augmentation de 0,7 °C de la température du milieu. »
Et encore:
« Les volumes moyens d’eau mobilisés par les aquifères chaque année ont subi une baisse de 30 %. »
Soyons prudents, rien n’est sûr, et les affirmations péremptoires ne sont pas de mise. Les images 6 et 7 montrent l’évolution des précipitations à Madagascar et au Sénégal. La tendance est à la baisse et non à la hausse.
Enfin j’ai consulté les relevés pluviométriques de plusieurs villes européennes, du nord au sud et de l’ouest à l’est. Les images sont ci-dessous à la suite. Ces relevés sont extraits principalement du site infoclimat.fr, qui reprend les données nationales et des réseaux complémentaires. Les bandes verticales sont les cumuls annuels de pluies. La ligne variable bleue montre les niveaux sur 24 heures. La ligne orange, les niveaux sur un mois.
On peut constater quelques extrêmes, correspondant possiblement à des tempêtes, mais pas d’augmentation visible des précipitations.