Parler des femmes et des hommes c’est aussi parler de sexualité. Le sexe est un lieu d’intensité relationnelle. Désir, extase et rejet s’y côtoient. Les archétypes y règnent en maître. C’est une matrice réelle et symbolique. Un creuset où naît l’identité de genre et où la relation prend forme.
Il y a une sexualité féminine et une sexualité masculine. Je fais référence à l'image de l’homme qui vient frapper à la porte de la dame avec son pénis. La dame décide ou non d’ouvrir la porte et d’étancher la soif du cavalier. La configuration anatomique est l’illustration de l’archétype: l’homme cavalcade vers l’extérieur, la femme s’ouvre vers l’intérieur. Quel fabuleux mystère! Mélange de chair et de culture qui fabrique un ressenti et un langage à partir de nos corps.
Cette configuration anatomique confère à l’homme le mouvement et à la femme l’abandon. Nous ne sommes pas loin de l’actif et du passif: le sexe est générateur de binômes archétypaux ou stéréotypés. La position du missionnaire serait-elle alors la meilleure possible? Elle est parfois tournée en dérision, pourtant c’est celle qui fait que les amants se regardent dans les yeux pendant l’amour. Y a-t-il plus beau dialogue d’âmes que celui-là?
La position au-dessus est une position dominante - au sens géographique, non pas au sens moral. Elle permet de décider du mouvement donc de prendre l’initiative et le commandement. Les stéréotypes ne sont pas pour autant exclusifs. Le mouvement ne doit pas être réservé qu’aux hommes. Contrairement aux théories qui prônent une séparation stricte et définitive des rôles il est bon de les inverser afin que chacun expérimente ce que vit habituellement son ou sa partenaire. La femme est très capable de prendre l’initiative et le commandement. S’abandonner au mouvement de l’autre est une découverte pour l’homme. Toutefois la femme qui reste en permanence dans l’initiative, par exemple en étant assise sur l’homme pendant l’entièreté du coït, passe à côté d’une séquence essentielle: l’abandon au mouvement de l’homme. L’homme fait la femme et la femme fait l’homme. Dans l’abandon la femme a la puissance du faible. Le plaisir est comme une crucifixion heureuse. Dans l’abandon de la femme, l’homme a la puissance du bienveillant.
Beaucoup de femmes reconnaissent l’importance de s’abandonner pour jouir. D’autres, sous l’influence du discours féministe et la volonté de contrôler la sexualité masculine, s’interdisent ce lâcher prise. Si elles savaient... Dans cet abandon leurs sensations sont amplifiées. Le corps et tout l’être est gagné par l’extase. Cette extase n’est pas qu’individuelle: l’abandon de la femme éveille profondément l’homme. La sensation s’élargit du pénis vers tout son corps. Le don de l’abandon ouvre le coeur de l’homme, l’ouvre à lui-même et à la femme. L’extase est une plénitude, peut-être même une réparation de nos êtres morcelés.
Le reste est affaire de tempérament, de goût et de moment. La force ou la douceur de la rencontre et du mouvement n’appartiennent qu’à eux. Parfois c’est le TGV; parfois l’extase immobiles l’un dans l’autre. Parfois c’est la chevauchée fantastique; parfois le doux et le tendre. Parfois rapide; parfois si long. Varier les rythmes et les jeux: tout est bon qui est partagé dans la sexualité. Inventer, oser. Se dévoiler.
L’homme n’a pas à être toujours un guerrier. Mais l’homme timide est un homme mort pour la femme. L’homme timide n’assure pas et ne donne pas cette contrepartie de l’abandon: la sécurité. Comment une femme pourrait-elle s’abandonner en confiance si l’homme ne lui offre pas sa force tranquille et la sécurité dont elle a besoin? La voltigeuse qui lâche son trapèze doit avoir une confiance totale dans le fait que son partenaire sera là pour la rattraper.
Ce discours sur les rôles sexuels est très normatif. Il est nécessairement normatif. Il peut être accepté, contesté, expérimenté consciemment, transformé. Chacun peut l’adopter à sa manière, l’adapter à sa chimère. Mais il est initialement normatif parce que les corps sont configurés pour générer la norme, parce qu’ils sont la norme. L’éducation n’est pas le seul élément qui détermine le genre. On ne peut évacuer l’hypothèse que le genre soit le produit symbolique du corps, en particulier de la sexualité. Ce qui renverse la perspective des gender studies sans pour autant renfermer les individus dans des moules rigides. Car les rôles sont loin d’être cloisonnés et étanches. Mais le découplage complet entre sexe biologique et genre construit n'est à mes yeux pas acquis.
De la sexualité naissent des comportements genrés. Schémas, stéréotypes, archétypes? Peut-être. Mais c’est ainsi: chacun son rôle. Le jeu amoureux n’est pas symétrique et la tradition n’est pas stupide. Pourquoi est-ce traditionnellement l’homme qui propose et la femme qui dispose? Parce que la femme teste l’homme avant de lui donner sa foi, son corps et des enfants. Chacun sa réalité: la femme sait que l’homme a besoin de se rassurer. Elle en sourit avec bienveillance. L’homme sait que la femme cesse de s’épanouir dans l’insécurité. Il est présent avec affection.
Cela n’empêche en rien la femme d’aller vers l’homme, et l’homme de disposer. Ce binôme mouvement-abandon peut s’appliquer aussi à des couples homosexuels. Les partenaires en ont forcément reçu l’empreinte par leur famille et la société. Le fait qu’il y ait une norme initiale n’exclut pas sa reproduction dans un autre cadre que le couple hétérosexuel.
La réalité est toujours plus complexe que les théories que l’on en fait. La liberté et la plasticité de l’être permettent l’inversion des mouvements et des rôles. Souvent d’ailleurs la femme propose à l’homme. Mais si cette inversion dure elle pourrait oublier sa capacité d’abandon. La frustration, le désappointement et le malentendu s’installeraient entre eux. C’est pourquoi il est utile de préparer les petits humains à la vie. Les pères et les mères doivent éduquer les enfants. Les éduquer c’est leur montrer un comportement et leur donner des points d’ancrage. C’est leur dire ce qui se fait et ne se fait pas entre un homme et une femme. C’est cela, les préparer. Le refus de l’éducation genrée est un déni de cette préparation.
Si nous n’avions pas de corps sexués ou si nous étions hermaphrodites nous pourrions nous passer très facilement de l’identification aux genres. Mais il semble que nous devrons encore longtemps vivre dans ces corps.
Si l’on considère l’extase de la sexualité, l’extase des corps, des coeurs et des esprit, c’est plutôt une chance!
Commentaires
Coucou John! Le sujet inépuisable des codes et des désordes amoureux demeure toujours haletant. Ton dernier beau roman fut une de mes lectures les plus sympas de l'été ...
"L’homme n’a pas à être toujours un guerrier. Mais l’homme timide est un homme mort pour la femme." On ne sait car tous les goûts sont dans la nature ... la femme ne recherche pas forcément de la sécurité, la confiance de la voltigeuse;
il arrive qu'elle cherche le désir ou l'admiration dans les yeux de son compagnon ... Quant au prétendu comportement de guerrier chez l'homme, on le constate malheureusement dans des situations où il connaît une position hiérarchique supérieure (travail, guerre, relation parentale, etc).
Loin des carcans, le sujet reste décidément inépuisable ... En attendant le plaisir d'une prochaine note, une belle soirée à toi!
Homme libre : Aurons-nous droit aux innombrables positions du Kamasutra? Quoi qu'il en soit, il est connu que les hommes occupant une fonction élevée préfèrent, pour la plupart du moins, se comporter en êtres "soumis" dans l'intimité... ;-)
Hello Micheline,
Merci pour ces précision. Ok, les timides ont leur chance! Mais j'entends ce que vous dites.
Oui, sujet inépuisable!
Bonne soirée.
@ Kissa: Ah non, pas le Kamasutra ici! Je suis resté au très basique...
:-))
Ce que vous dites est étonnant. Je l'ai déjà lu ailleurs. Peut-être ressentent-ils d'instinct le besoin de lâcher, de s'abandonner vu qu'ils sont toujours dans la pression.
Bonne soirée.
@Kissa
Pas tous les hommes heureusement. Sinon toutes les femmes deviendraient sado maso. Mais c'est vrai que l'on vit une drôle d'époque.