Polémique en Suisse. L’évêque de Coire, Vitus Huonder, s’est exprimé en citant un passage de la bible, précisément du Lévitique : «Quand un homme couche avec un homme comme on couche avec une femme, ils ont fait tous deux une chose abominable; ils seront punis de mort: leur sang retombera sur eux.»
La bible n’est pas un livre immuable, pas plus que le coran. Des textes écrits il y a des milliers d’années dans un contexte que nous connaissons mal doivent être repensés à l’aune de l’évolution des sociétés.
Le Lévitique contient un ensemble de prescriptions diverses. Certaines sont identiques aux lois modernes, par exemple: «Lorsque quelqu'un, après avoir été mis sous serment comme témoin, péchera en ne déclarant pas ce qu'il a vu ou ce qu'il sait, il restera chargé de sa faute.» Ce qui signifie qu’en soustrayant la vérité sous serment on se rend complice du mensonge et la faute nous en incombe. C’est normal. C’est de l’obstruction à la justice ou de la complicité.
Deuxièmement
Ces prescriptions ne pouvant être toutes prises à la lettre, on ne peut pas déclarer que les personnes homosexuelles doivent être punies de mort. Une telle phrase ne peut être affirmée sans être contextualisée, par exemple dans le cadre d’une étude sur la bible. L’annoncer dans un prêche (si j’ai bien compris c’est ce qu’a fait l’évêque) n’est plus une étude mais une recommandation. Donc une forme d’appel au meurtre. C’est inacceptable, comme le sont les agressions contre des Gay Pride.
Troisièmement
La question de la nature est complexe. La nature représente un ensemble de caractéristiques et de spécificités que nous n’avons pas choisies. Par exemple nous naissons de sexe féminin ou masculin. Nous ne le choisissons pas, c’est la nature qui a organisé ainsi les espèces en vue de maximiser leur reproduction.
La reproduction obéit à des lois naturelles. Toute naissance vient de la rencontre entre un spermatozoïde et un ovule. Associés aux sexes, et donc aux genres, ce mode de reproduction confère à l’hétérosexualité une valeur prévalente. Même les couples homosexuels ont besoin de l’altérité ovule-spermatozoïde pour se reproduire. Il n’y a pas d’autre possibilité. C’est naturel.
Le plaisir sexuel n’a lui pas cette spécificité. Il peut être trouvé avec une personne de même sexe comme de sexe opposé. Un homme hétérosexuel à qui l’on banderait les yeux ne verrait pas de différence dans son plaisir si une fellation lui était administrée par un homme ou une femme sans qu’il soit prévenu de qui l’administre. La bisexualité correspond d’ailleurs à une quête d’un plaisir au-delà de son cadre habituel – et je doute que les personnes bisexuelles se considèrent comme faisant partie de la communauté homosexuelle. Le plaisir avec le même sexe n’a rien d’anti-naturel. Le plaisir est le plaisir.
Quatrièmement
Qu’une plainte soit déposée contre l’évêque de Coire est une bonne chose. Son résultat permettra peut-être d’éclaircir ce débat. Doit-on considérer qu’il y a appel subliminal au meurtre ou simple rappel d’un texte issus d’un livre de morale?
Par contre je désapprouve la tentation d’inscrire une loi spécifique sur l’homophobie. D’abord on a le droit de se distancer de l’homosexualité. Celle-ci n’est pas sans poser de questions aux personnes hétérosexuelles. Croit-on que tous ceux qui aujourd’hui soutiennent la cause de la communauté homosexuelle n’ont pas, au fond d’eux-mêmes, un trouble qu’ils n’osent plus exprimer? Le lobby LGBT a pris un pouvoir démesuré en regard de sa très faible représentativité, et l’on peut se demander comment ces gens y sont parvenus. On peut être troublé sans rejeter l’homosexualité en tant que fait individuel et social. Et puis, l’apprivoisement de la différence ne se fait pas par une simple affirmation positive ou par une loi.
Homophobie est un terme inventé pour jeter la confusion dans les esprits et culpabiliser les masses. On peut être opposé au mariage dit pour tous et reconnaître le droit à une union civile, à une vie libre et sécure pour les personnes homosexuelles. C’est mon cas. Le mariage, d’origine religieuse, est l’union d’un homme et d’une femme. Détourner le sens du mot est abusif. Par exemple, dire que la famille hétérosexuelle et biologique est prévalente ne signifie absolument pas que l’on discrimine la famille par adoption. On n’est pas homophobe si l’on est opposé à l’usage du mot mariage pour les couples homosexuels et opposé à l’autoritarisme LGBT. Le manichéisme LGBT est une régression culturelle et intellectuelle.
Cinquièmement
Tout n’est pas équivalent. La prévalence hétérosexuelle est la règle pour la reproduction, sans quoi l’espèce n’existerait simplement pas. On ne peut, sous prétexte de défense des minorités, tout mélanger et fuir les différences normatives que la nature a prévues et que la culture a confirmées. Le respect n’est pas la contrainte légale ni l’interdit de parole. Le respect est justement fondé sur l’acceptation bienveillante de ce qui nous différencie. Une loi contre l’homophobie n’ajoutera rien au respect mais seulement à la peur. Et l’on sait que quand la peur motive un comportement d’auto-censure, il suffit de circonstances inhabituelles pour que cette peur laisse à nouveau place place à un comportement violent. De ce point de vue les LGBT et affiliés font fausse route.
Sixièmement
L’homosexualité est-elle un choix ou un attrait irrésistible? La question n’est pas tranchée et la réponse serait probablement nuancée. On n’a pas plus définit les causes de l’hétérosexualité, à part un possible instinct sans quoi il n’y aurait pas de reproduction. L’attrait pour le même sexe contient des spécificités sexuelles mais elles sont mineures en regard du besoin de liberté, de sexe immédiat et sans entrave que proposaient les rapports homosexuels jusqu’au Sida, de difficulté ou de peur à rencontrer des femmes, de besoin affectif né dans une situation opportune. Mais l’attrait spécifique pour le même sexe demeure.
Choix et attrait irrésistible ne sont pas équivalents. Si c’est un choix on ne peut invoquer une loi de type antiraciste pour protéger les personnes homosexuelles. L’homosexualité ne serait en effet pas une caractéristique innée comme l’est une race ou une couleur de peau, ce qui justifie les lois antiracistes. La condamnation de propos ou d’actes contre des homosexuels est alors du ressort des lois courantes de protection de l’intégrité et de la liberté individuelles.
Si l’homosexualité est considérée comme innée, non voulue délibérément mais subie par une attraction irrésistible, alors une loi de type antiraciste pourrait être envisagée. Mais cela poserait un autre problème: celui de l’essentialité des groupes humains, contre laquelle se sont dressés par exemple de nombreux groupes féministes en soutenant les théories de l’indifférenciation des genres. Si l’attraction est irrésistible, il en est dès lors de même pour les hétérosexuels. On est homme parce que l’on est mâle et que l’on désir une femelle.
A part le fait d’énoncer quelques astuces rhétoriques sur la nature et la culture, je ne vois pas d’issue apaisée et consensuelle à cette contradiction.
Si une loi spécifique était élaborée il devrait en être de même pour la protection de la communauté hétérosexuelle. Les attaques anti-hétéros sont nombreuses et pourtant elles ne suscitent pas de procédure légale. Je rappelle ce slogan (image 3) vu pendant les manifestations françaises pour le mariage dit pour tous: «Mieux vaut une paire de mères qu’un père de merde.» Cela ne passe pas, cela ne passera jamais.
Ou la banderolle devant ce stand au Canada, postée sur instagram (image 4): « Claques libres aux cisgenres ». On peut baffer librement des hommes blancs hétérosexuels, cela semble même fun.
Les personnes cisgenres ou cissexuelles sont les personnes qui acceptent que leur genre masculin ou féminin soit le même que leur sexe biologique. Biologie et culture sont alignées. Il s’agit des hétérosexuels. Notons sur cette banderolle la référence aux white men, aux hommes, blancs, hétérosexuels. La stigmatisation culturelle et raciale est ici étalée sans vergogne et l’on trouverait cela normal?
De même peut-on accepter sans broncher, en avalant tout passivement, une phrase comme celle-ci lue sur un blog féministe: «Si vous êtes un homme blanc aisé hétérosexuel en bonne santé, vous cumulez tous les privilèges alors que si vous êtes une femme trans noire pauvre et malade, vous n’en avez aucun ou très peu.»?
Non, mille fois non, ce n’est pas normal. La haine de l’hétérosexcualité, l’esprit revanchard d’une minorité, la volonté de colonialisme culturel sur la majorité, ne sont pas acceptables. Le respect et la liberté, oui. L’agression et la régression manichéenne, non.
Je suis blanc, homme et hétérosexuel, et je suis fier de l’être. En tant que tel j’ai le droit de critiquer une vision, une loi, un comportement, sans pour autant vouloir interdire ou atteindre à l’intégrité de personnes différentes de moi. J’ai aussi une responsabilité: développer la sagesse de ne pas mépriser les minorités et leur donner la même considération et, là où c’est possible, les mêmes droits qu’à moi-même. J’aime les individus que j’aime, hétéros ou homos, mais je n’aime pas le communautarisme revanchard et déculturant.
Le débat est loin d’être clos. Il faudra des décennies pour sortir des théories et revendications déconnectées produites à notre époque. Cela se fera, je prends date.
Image 1: Brokeback Mountain; image 2: Philadelphia.
Commentaires
Comme disait Dodo la Saumure, en France on pénalise la prostitution et on sacralise la sodomie.
On s'en tape la coquille de ce que pensent les religieux, eux qui nous voient carrément des bonhommes dans l'espace, ça ne peut avoir aucune valeur.
Merci John pour cette mise au point à laquelle personne ne semblait vouloir s'y coller.
Yes. On peut défendre le petit commerce sans être obligé de toucher les seins de la crémière. Défendre un principe de liberté sans approuver toutes ses déclinaisons. Dans plusieurs domaines. Cela peut et doit être affirmé.
Tiens, les seins de la crémière: je vais penser à un billet sous ce titre. Mais court, promis!
:-)
Les gens civilisés qui entendent un passage de la Bible, présentement du Livre du Lévitique, ne sont-ils pas en mesure de peser le pour et le contre puis d'en discuter, débattre en cafeteria ou à l'extérieur?! avec en prime qu'aux temps du Lévitique on avait déjà bien compris que si l'on voulait des hommes d'armes, de peines ou de corvées ce n'est pas l'homosexualité qui garantirait les naissances attendues. Or, pour que le peuple obéisse comment s'y prendre autrement qu'en fichant la trouille (également, tel Moïse et successeurs, accompagnant les ordres donnés par un "Parole du Seigneur!" définitif.
Réel "appel au meurtre" par l'évêque de Coire ou mauvaise foi évidente de ses détracteurs?
Réponse avec impartialité, please.
Nous venons de perdre un chat mâle qui avait pour l'un de mes fils un amour (platonique) tel que l'on pouvait se demander si en une autre vie ils ne s'étaient pas connus et aimés.
Ce chat, pratiquement mort, dans ma cuisine était tourné vers la lumière mais ses petites oreilles étaient comme vibrant en arrière attendant l'arrivée de l'aimé (sa venue annoncée régulièrement depuis treize années le chat toujours parfaitement au courant). Ressentir son approche, la porte d'entrée. Une ultime fois, pour graver en son cœur, entendre le son de "cette" voix puis... expirer.
En revanche: "Mieux vaut une paire de mères qu'un père de merde"!
Il ne faut pas tolérer ces horreurs.
Myriam, d'accord avec votre réserve sur l'impartialité. Il faudra attendre d'en savoir plus.
Ce discours sur et autour de l'homosexualité est un des plus typiques de la novlangue, où le ministère de la guerre devient le ministère de la paix.
Le drapeau, l'emblème du lobby LGBT est le pavillon arc-en-ciel, signifiant la tolérance à l'altérité. De alter, en latin, qui se dit hétéros en grec...
Leur drapeau devrait pour le moins être monocolore, puisqu'ils n'aiment pas l'altérité. Rose, évidemment. Et non, je n'ai pas dit en forme de triangle...
Et, déjà dit, homophobe signifie "qui a peur de son semblable".
Cela dit, vu le monde de narcissisme dans lequel nous baignons, les LGBT vont bientôt être majoritaires. Une marée de migrants et des autochtones qui ne se reproduisent plus. L'Empire romain ?
L'évêque regrette, reconnaît une erreur et présente des excuses:
"L'homme d'Eglise de 73 ans considère comme une «erreur» d'avoir rédigé son texte uniquement «au niveau de la réflexion et sur le plan académique»."
www.tdg.ch/suisse/eveque-vitus-huonder-acte-contrition/story/28103457