Un enfant est assis sur une banquette à côté de sa mère. Je le sais parce qu’il l’appelle maman. L’enfant, un petit garçon, a environ quatre ans. Sa mère lui apprend à compter sur les doigts. Il est ravi et s’investit dans le jeu.
Elle compte sur les doigts de son fils de 1 à 5 à partir du pouce. Elle touche chaque doigt et nomme le chiffre associé: pouce, 1; index, 2; etc. Le garçonnet répète les chiffres pour chaque doigt.
La mère recommence plusieurs fois. L’enfant y prend plaisir. Les enfants aiment répéter. C’est ainsi qu’ils apprennent et s’approprient les choses.
Quand l’enfant a bien acquis cette base, la mère change le jeu. Elle associe tous les doigts au chiffre 4. Le garçon, d’abord étonné, rectifie en prenant son annulaire et en disant avec force: quatre!
Je ne sais s’il comprend que sa mère joue. En tous cas, en moins de trente minutes, il sait compter jusqu’à cinq et déterminer le chiffre associé à chaque doigt.
L’enfant jubile. Il gonfle et craque de la bonne énergie du succès. Il est fier et satisfait d’avoir réussi!
Il y a tant de choses dans cette simple scène.
Sur cette banquette, dans cette bulle de bienveillance, il y a l’amour qui lie la mère et l’enfant. Un amour sans effusions excessives. L’amour peut être simple: c’est de l’attention portée, de la complicité, de l’écoute bienveillante, une attitude qui interagit de manière constructive.
Cet amour facilite l’apprentissage, qui devient un jeu. L’attitude de la mère est bien ajustée et l’enfant se construit à plusieurs niveaux en même temps: émotionnel, intellectuel, relationnel.
Il y a la confiance de l’enfant, judicieusement placée dans sa mère et modèle de la future confiance en soi. L’extraordinaire est que l’enfant n’a pas besoin d’y penser: il le vit.
Il y a la transmission, rôle si précieux des parents – en premier lieu. Ils associent des mots à du sens, à des gestes, à des expressions. L’enfant apprend ce sens par le ton et les émotions associées. L’intonation, le volume vocal, la gestuelle et les mimiques font par exemple comprendre à un enfant que « Merde alors! » n’est pas du même ordre émotionnel que « Je t’aime ».
Me revient alors à l’esprit une controverse pédagogique sur l’apprentissage. À l’école on n’encourage pas à compter sur ses doigts. Pourtant cette méthode faciliterait la progression en mathématiques:
« Des études ont établi un lien entre sensibilité des doigts et performances en mathématiques: «Les élèves qui ont une meilleure sensibilité des doigts les utiliseraient plus facilement pour compter, ce qui les aiderait à résoudre des opérations.»
« Un article a même montré que la gnosie digitale était «un meilleur prédicteur des capacités mathématiques que les tests d’intelligence classiques. »
Dans un autre article, Pascal Dupré, ancien instituteur et toujours impliqué dans la réflexion sur les programmes, insiste sur l’importance du corps dans cet apprentissage et affirme:
« qu’interdire de compter sur les doigts présente certainement un danger plus grand que d’apprendre à calculer avec les doigts. (…) Pour appréhender la notion de quantité, c’est à dire la notion de nombre cardinal, il lui faudra deux aptitudes : concevoir la notion d’unité, c’est à dire admettre que l’ordre dans lequel il compte les objets ne modifiera pas le résultat final (c’est pourquoi il est préférable de faire compter des objets « semblables », afin de neutraliser toute différenciation qualitative), et garder le souvenir pour chaque unité de toutes les unités précédentes. La main est donc le support idéal pour aider à cette prise de conscience. »
En descendant du tram je me disais que l’essentiel ne meurt jamais.
Commentaires
Dans certaines cultures traditionnelles, notamment en Nouvelle-Guinée, nos chiffres correspondent à des parties du corps.
Chez nous c'est le pouce, le pied, parfois le pas, qui subsistent comme mesure de distance, généralement plus ou moins tombées en désuétude, sauf aux Etats-Unis ou le les outils des mécanos comportent encore des 1/24 ème d'inch, etc.
Compter avec les doigts est donc, comme vous le montrez, une chose très naturelle.
"Quand l’enfant a bien acquis cette base, la mère change le jeu. Elle associe tous les doigts au chiffre 4. Le garçon, d’abord étonné, rectifie en prenant son annulaire et en disant avec force: quatre!"
Je n'ai absolument rien compris à votre texte. Qu'est-ce qui a changé depuis le jeu précédent ? Est-ce que qqn a compris ce que vous vouliez dire ? Est-ce qu'elle lui a appris à penser que tous ses doigts représentaient 4 et exclusivement 4 pour déconstruire l'ignoble réalité 1, 2, 3, 4 ? Je doute un peu de l'effet de cette pédagogie sur-réaliste. Enfin, si le but est de créer de parfaits cinglés, cela me paraît très bien et cela réussit parfaitement, à voir l'environnement dans lequel on évolue en Suisse (romande).
@ Géo:
j'espère bien que quelqu'un comprend ce que j'écris là.
- Premier temps, elle associe chaque doigt à un chiffre de 1 à 5. L'annulaire étant associé au 4.
- Deuxième temps: elle associe tous les doigts (l'un après l'autre comme précédemment) à "quatre" en les nommant tous "quatre". C'est là que l'enfant rectifie et dit "quatre" en montrant seulement l'annulaire. Il a compris.
Pour le reste, non, c'est un simple jeu qui permet de vérifier l'acquis et de conforter l'enfant dans son acquisition.
En accédant à la bipédie, l'être humain a développé son cerveau rapidement. Homo erectus est un ancêtre assez direct.
La verticalisation a permis de libérer les membres supérieurs de ces tâches de support purement terrestres pour devenir des extensions du cerveau. Afin de découvrir et agir dans le monde.
En outre agir avec ses mains stimule la fonction thyroïdienne (moteur de l'intelligence).
La relation membre cerveau est actuellement très étudiée chez les céphalopodes (pieuvre ou poulpe). On dit que des pieuvres ont développé des sortes d'yeux dans la peau de leurs membres.
Mais le plus merveilleux dans tout cela, c'est bien évidement la démonstration du plaisir de l'enfant dans l'apprentissage, lorsque celui-ci est dispensé avec le coeur
"Un enfant est assis sur une banquette à côté de sa mère. Je le sais parce qu’il l’appelle maman. L’enfant, un petit garçon, a environ quatre ans."
Même scène, mais la maman est debout et parle anglais. Le bus est bondé. Au prochain arrêt une dame visiblement octogénaire, avec une canne, monte dans le bus. Pas de place assise. La bonne femme parlant anglais est interpelée pour que le garçon cède sa place. Refus agressif. Finalement c'est une dame dans la cinquantaine qui cède sa place.
Je n'ai jamais vu un étranger céder sa place assise.
Oui cet autre genre de scène arrive aussi.
Mais j'ai aussi vu des gens se lever. Les jeunes hommes de couleur noire se lèvent assez spontanément, dans ce que j'en ai vu.
Chaque instituteur parle de son Graal. Mais l'intelligence est variée, donc les méthodes efficaces varient selon cette intelligence.
Certains ont une grande mémoire visuelle, d'autres une grande mémoire par la lecture, d'autre une grande mémoire par l'ouïe.
Le Graal dans l'éducation n'existe pas. Pour facilité la tâche, une seule méthode est utilisée pour tous. Les réformes peuvent se suivre, les bon élèves seront peu atteint, mais les moyens vont subir les conséquences, parfois gagnant, parfois perdant.
Si on voulait être efficace, un canton devrait fournir différent types de pédagogie. Et les enfants seraient selon leur réceptivité dirigés dans une des pédagogie à disposition.
L'école du futur ce sont différentes pédagogies associés à différent types d'intelligence
C'est l'interaction entre l'adulte et l'enfant qui est le facteur le plus important dans la scène décrite par hommelibre.
A mes yeux, il est difficile de remplacer ce canal de transmission qui repose sur le contact humain. Il est très branché de compter sur l'ordinateur et les écrans, mais je n'y crois pas !Surtout pas pour les petits enfants.
Les parents ne réussissent pas à tout apprendre à tous les coups, mais le temps passé avec leurs petits enfants est irremplaçable. Le langage est développé par le genre de dialogue décrit dans le billet. Cet enfant dans le tram a non seulement appris à compter, mais il l'a appris en utilisant la communication verbale, essentielle pour le développement de l'intelligence et des capacités d'apprentissage.
Les dégâts dus à l'abus d'écrans divers en est la preuve par la négative.
https://www.topsante.com/maman-et-enfant/enfants/bien-grandir/les-tablettes-perturbent-l-apprentissage-du-langage-617611
https://www.rtl.fr/actu/debats-societe/trop-exposes-aux-ecrans-les-troubles-des-jeunes-enfants-explosent-7788579779
Alors que je me suis beaucoup intéressée aux différents profils d'apprentissage, je pense à présent qu'il est judicieux d'exposer l'élève à plein d'approches différentes et pas uniquement à celle qui pourrait correspondre à sa typologie, même si elle avait pu être déterminée avec certitude.
Il me semble qu'on évolue passablement pendant son parcours scolaire et il se peut qu'à 14 ans on ne fonctionne plus comme à 7 ou 4 ans.
La plasticité du cerveau est réelle et je trouve qu'on serait trop dans une démarche productiviste, si on en venait à envisager l'apprentissage scolaire uniquement comme une procédure efficace.
Les enfants apprennent aussi beaucoup par l'émotion, l'effet-surprise, le rire ou l'empathie et l'effet de groupe.
La classe est un lieu où il faut arriver à un équilibre entre les besoins individuels et l'adaptation à la vie en groupe.
Même si on est très visuel, on a avantage à essayer d'apprendre à écouter et à trouver des stratégies pour rendre visuelle la parole entendue. Et vice versa.
Je crois que la maturation, c'est justement cela : arriver à trouver des astuces pour "survivre" dans un maximum de situations.
@Calendula
Quand je dis efficace, je parle pour la facilité de l'enfant à apprendre, surtout pas dans une notion de compétitivité.
L'enfant devrait acquérir toutes sortes d'apprentissages, ludiques et utiles.
Je suis aussi pour un apprentissage de philosophies qui permettraient à des moments difficiles, frustrants, d'avoir des béquilles qui aident à surmonter ces crises. Savoir prendre des distances et ne pas se considérer comme le centre de l'univers.
@Johann,
C est étonnant venant de vous. Vous dites:"Je ne ai jamais vu un étranger céder sa place assise".
Est ce que ça vous arrive de prendre le Tram/Bus?
Deuxio, comment définissez vous un étranger qui ne parle pas l anglais, comme ce cas de figure que vous citez, mais le français et si son faciès est spécial mais qu il est suisse-naturalisé et de parents bi-nationaux dont un/une est suisse, par exemple?
Bien à vous.
Charles 05
@motus,
"ne pas se considérer comme le centre de l'univers" - c'est tellement vrai !
C'est la vie en groupe qui nous amène à comprendre qu'on n'est pas le centre du monde, même si on est au centre de toutes les attentions de ses parents.
La tentation de fabriquer des enfants-roi est grande, tellement les parents ont-ils de grandes attentes et espoirs pour leurs enfants.
L'équilibre entre l'individu et le groupe a aussi à voir avec l'idée la compétition et de la comparaison.
Si on décide d'accorder à son enfant une scolarisation à la maison, afin de pouvoir individualiser l'enseignement, on le soustrait à cette l'interaction avec le groupe-classe. Et on évite toutes les frustrations qu'elle amène, mais aussi toutes les possibilités d'ouverture à d'autres façons de faire.
J'ai connu une personne adulte, scolarisée à la maison avec ses frères et sœurs. Elle n'arrêtait pas de dire : "Je n'ai jamais vécu ceci -cela, je n'ai pas appris ça, je ne connais pas cette chose." Parent, elle abordait la vie de tous les jours comme si elle venait d'arriver dans un pays étranger. Elle en était parfaitement consciente et a décidé d'envoyer ses enfants à l'école publique, afin qu'ils soient moins désorientés qu'elle.
Pas mal d'articles existent sur l’apprentissage des mathématiques, de la géométrie en passant par le corps des enfants. Mettre ses bras ou jambes en angles droits ou isocèles etc. C'est une excellente idée. Ici la maman fait intervenir beaucoup de facteurs différents: la tendresse, la patience, le plaisir, la répétition...
En travaillant depuis quelques années avec des moins de 10 ans dans l'enseignement des langues étrangères, j'ai constaté par exemple qu'ils apprenaient bien plus vite les prépositions de lieu en leur disant: mets-toi sous la table, sur la chaise, derrière la porte qu'en leur montrant des images et leur demandant où était la souris.
Rester assis longtemps sans bouger est une punition pour les jeunes enfants, et enseigner en marchant est une méthode connue depuis Aristote.
Esprit et corps...
Bonne soirée HL