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Nos visages illuminés

Aujourd’hui, voici un autre extrait de mon roman que je peaufine encore un peu. Le thème général du livre est la non-domination, dans une quête à la fois amoureuse et sociale. Le contexte de cette séquence: un homme hanté par un ancien amour dont il ne peut se défaire et auquel il reste loyal, et une femme dont l’expérience d’enfance la fait rester sur la réserve quand à s’engager avec un homme. Cette séquence traite du passage d’une relation neutre à la relation amoureuse, à la danse partagée des corps. C’est l’unique scène de ce type, donc pas représentative de l’ensemble, mais... Saint Valentin oblige.

CoupleKlimt.jpg “Je descends vers la ville. J’ai faim et j’achète un sandwich au soja curry. Je pousse jusqu’à la mer pour réfléchir à la proposition de Cylia. Pendant le sauvetage et le nettoyage j’ai vu en elle une autre femme. Engagée, solidaire, sereine, sans jamais une plainte ou un signe de fatigue. Je ne sais que penser. Je remonte jusqu’à sa maison. Elle fait le ménage.

- Bonjour Jonas.

Je lui souris.

- Je te remercie de m’avoir laissé ton lit.

- Ce n’est pas grave, dit-elle en riant.

- Je crois que nous devons parler.

- Oui, viens.

Nous nous installons sur une petite terrasse avec une réserve de No 5.

- Je commence. Ton hôtel est fermé pour au moins une semaine. Si tu veux habiter ici c’est possible. Mais je dois te dire quelque chose.

Elle parla presque tout l’après-midi. Sa vie défila. L’école primaire dans un pensionnat religieux où elle avait été dégoûtée durablement de toute religion. Ses études d’ingénieur en aéronautique et en astrophysique. Son travail au centre spatial de Kourou en Guyanne, puis au Very Large Telescope au Chili où elle avait détecté la première exoplanète dotée d’une atmosphère identique à celle de la Terre.Couple92.jpg

Elle parla aussi de ses hommes. Elle avait eu beaucoup d’amants et fréquentait plusieurs partenaires en même temps. Ils acceptaient ce mode de vie. Elle n’avait jamais connu l’homme avec lequel se poser.

Elle me dit enfin espérer que je ne sois pas celui-là.

- Voilà, tu me connais un peu. Si tu veux habiter avec moi c’est d’accord pour moi.

- Pour moi aussi.

- Alors allons t’installer.

Elle prend ma main et m’emmène à l’intérieur. C’est un loft avec grenier. Elle entreprend d’ouvrir le canapé-lit, et dans l’effort la ceinture de sa tunique turquoise se dénoue. Elle est nue dessous et je suis saisi par ce qui émane de son corps. Comme un langage, une évidence. Elle aperçoit mon trouble et réalise la situation. Elle rit mais ne ferme pas la tunique. Je vais pour l’aider à déployer le canapé quand nos mains se rencontrent comme des aimants. Toute résistance est inutile, comme on dit. Collé à elle je respire profondément ses cheveux, son cou, ses lèvres. Son odeur ronde et chaude descend dans mon ventre. Elle répond à mes gestes par des caresses sur mes yeux, mes lèvres, mes bras. Puis elle m’entoure et serre fort. Et se détache, me regarde au fond des yeux et ses yeux rient, et se serre encore, et ses épaules accueillent ma joue, et renverse sa tête et se ressaisit pour enfin prendre ma bouche.

Un long baiser. Sans détacher mes lèvres je nous entraîne vers son lit où nous chutons en douceur. Je prends le temps malgré la force du désir, le Couple6.giftemps de découvrir son corps, ses jambes, ses cuisses lisses, son ventre tendre, ses seins petits, son visage, et je descends dans son dos, et je reviens. Je recommence l’exploration sans me lasser, mon désir toujours intense mais pas impatient. Je goûte à Cylia qui montre si bien son plaisir et qui me rend mes baisers chaque fois que j’effleure ses lèvres.

Nous jouons de nos peaux, de nos mains, de nos bouches comme des gourmets. Parfois je touche son sexe et elle tressaille, prend ma tête dans ses mains pour m’y coller, mais je résiste et remonte ses hanches, contre mon propre désir, et le sien monte, son ventre ondule et ses bras m’accueillent avant que je ne m’enfonce à nouveau. Et à nouveau je pose mes lèvres sur son intimité et l’embrasse doucement, par petites touches, puis plus longues, et je m’écarte, et reviens. Tout d’elle est bon, tout d’elle me parle. Je sens ses longues contractions silencieuses, suivies d’expirations courtes.

Elle m’attire sur elle, s’ouvre et plonge dans mes yeux pendant que je la cherche. Quand je sens sa chaleur entourer mon sexe je suis inondé de gratitude. Une femme qui offre le coeur de son corps offre un diamant à l’homme. J’avance lentement, doucement, je résiste à son appel pour mieux l’entendre et découvrir les chemins de son plaisir, et pour exacerber le mien. Quand elle m’absorbe tout entier je me raidis. L’image de Colline apparaît et je suis pris d’un violent sentiment de déloyauté. Je revois nos bonheurs, nos corps si ajustés, ses yeux pendant l’amour, la douceur de ses gestes, l’accueil de son corps.

- Quelque chose ne va pas? demanda-elle.
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Je ne réponds pas. Je ne peux faire cela à Cylia, la laisser là en plan avec ma mémoire comme un mur où ma tête s’est si souvent fracassée. Je dois repousser le souvenir, faire un pied-de-nez à ma loyauté si je veux revivre. Si Colline tenait à moi, elle m’aurait fait des signes clairs. Je dois en finir, être là et pas ailleurs. Je décide de donner le meilleur de moi à Cylia. J’utilise ma raideur comme une puissance, et mon corps et mon sexe reprennent le dialogue. Je voyage dans le sexe de Cylia comme dans un paysage, où chaque millimètre est nouveau. Colline revient, je la chasse encore, et encore. J’entre au plus profond là où Cylia m’appellle et se sent pleine. Et je reviens au bord et je perçois sa crainte de se sentir vide, ce vide que la femme connaît quand l’homme se retire trop vite. Et je reviens encore, par d’autres chemins et elle rit de plaisir, et je crois que nos visages se sont illuminés.”

Catégories : Poésie 6 commentaires

Commentaires

  • @hommelibre- Je sais exactement ce que vous devez ressentir aujourd'hui à lâcher un peu de vous même à travers cet extrait : de la pudeur, de l'inquiétude, de la joie fébrile.
    Ce texte est très beau, très délicat, très érotique et sensuel. vous démontrez une excellente connaissance de la sensibilité et des hommes et des femmes. A quand la suite.

  • @ duda: oui, vous avez exactement raison! D'ailleurs j'ai longtemps hésité avant de le mettre, et je craignais éventuellement de choquer même si l'aspect érotique reste pudique et poétique. J'ai même demandé hier à M. Mabut ce qu'il pensait de la possible publication de ce billet. Comme il ne m'a pas répondu (il a bien fait) j'en ai pris la responsabilité.

    Merci pour votre appréciation, autant sur ce que je lâche de personnel que sur le texte. La délicatesse dont vous parlez était pour moi la seule manière d'aborder cette scène, d'abord parce que quelque part elle m'appartient en propre, et parce que les corps eux-mêmes, le plaisir lui-même est magnifié par cette délicatesse (qui n'enlève rien à l'intensité, au contraire). Votre appréciation me touche car j'apprécie aussi votre pensée et votre manière d'écrire les choses.

    Alors la suite? Je peaufine encore le style, et je corrige les fautes de temps et de saisie, et je l'ai donné en lecture à deux personnes qui vont me faire encore des retours sur la cohérence d'ensemble, sur le rythme, etc. Après, je chercherai un éditeur. Donc la suite, j'espère cette année!

    Bien à vous.

  • Cher John,

    Mille merci pour ce très beau cadeau en ce jour de St Valentin..
    Douceur, sensibilité et érotisme parsèment avec tendresse l'extrait de ton roman que tu as si généreusement partagé avec les lecteurs de ton blog..tu me surprendras toujours :-)
    Au passage, excellent choix pour "le baiser" de Klimt...j'adoreeeeeee !

    Continue de nous chatouiller et de nous émerveiller à travers tes billets tantôt sucrés tantôt salés..!

    Sirupeux bisous virtuels et à très bientôt j'espère pour un brin de causette en ta charmante compagnie

  • Coucou Valérie,

    Je pensais à toi hier et je me disais: M'enfin, quand est-ce qu'on va le boire de caf'? On se l'est promis depuis l'automne! Raaahhh.

    Bon on s'appelle la sem prochaine? Me fera très plaisir aussi!

    Bizz.

  • Raaaaaaaah, oui c'est vrai et sois certain que je suis toute honteuse :-)

    Vendu : on s'phone la semaine prochaine..et comme c'est toi le "mâle dominant" je te laisse le soin de m'appeler..sans déconner, ai changé de natel..et ai plus ton number raaahhh-bis !

    J'attends ce grand moment avec impatience où mon natel va vibrer au son de ton call :-)

    Excellent w-e et ...........TRES BONNE ST VALENTIN !
    Bises

  • oufff, j'ai adoré lire ce texte, il m'a fait frémir... J'aimerais bien lire la suite...

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