Il y a encore peu le président Hollande affirmait qu’il croyait son ministre. Qu’il avait confiance en sa parole. Il l’a dit publiquement. Le clash politique est d’autant plus grand. On ne peut évidemment pas rendre messieurs Hollande et Ayrault responsables du comportement individuel d’un ministre. On peut toutefois se poser des questions en particulier sur la notion d’autorité, et se demander s’il n’y avait pas moyen d’éviter une telle catastrophe.
Bien sûr Jérome Cahuzac a menti effrontément. Il cachait ses manoeuvres pendant que d’autres lui tressaient, il y a encore peu, des couronnes de probité et de compétence. Il a cumulé mensonge, évasion fiscale et, d’une certaine manière, outrage à magistrats et aux français. Cela arrive. Mais n’y a-t-il pas des services secrets? N’auraient-ils pas pu être actionnés dès les premières révélations de Mediapart, qui pesaient pourtant lourd? N’aurait-on pas pu éviter un tel affront public au président, et au-delà du président: à la fonction de chef de l’Etat?
François Hollande et Jean-Marc Ayrault affirment qu’ils ne savaient rien: c’est le moins que l’on puisse attendre. Cela devrait aller évidemment de soi sans avoir à s’en défendre. Mais de la part des deux premiers personnages politique du pays c’est un aveu d’impuissance et de manque d’autorité sur l’appareil de l’Etat. Ce n’est pas s’ils savaient ou non qui pose problème ici, mais comment il se fait qu’ils n’aient rien su, qu’ils n’aient rien pressenti ni reçu aucune information qui aurait dû les mettre en alerte? Et puis: disent-ils vrai, eux? Il vaut mieux penser que oui.
Ils ont donc cru le ministre. Pourtant la question en politique n’est pas de croire mais de veiller au grain et d’anticiper. Un capitaine de bateau ne croit pas à la météo du journal quand il largue les amarres sous un ciel bleu. Il anticipe, recherche des informations de plusieurs sources, les recoupe. Il doit être plus malin que ses marins. Il cherche et se tient informé pendant tout le voyage. Quand on est président on ne croit pas sur parole. On vérifie, puis on défend bec et ongles ou on sacrifie. La foi portée par François Hollande dans la parole de son ministre est enfantine. Elle le plombe comme s’il avait lui-même partagé sa croix. Fanfrelande, alias Monsieur Bricolage, ne serait-il pas aussi Schtroumpf naïf? Ou est-ce là un autre aspect de la liturgie que propose le chef de l’Etat: après la prophétie, c’est l’acte de foi, la foi du charbonnier, la foi aveugle, celle qui suggère une loyauté quasi enfantine? Si c’est cela, alors il faut se poser de sérieuses questions sur la maturité affective du président.
On dirait l’histoire inversée de Bérégovoy, lâché par François Mitterrand pour moins que ça. Bérégovoy, l’ouvrier devenu premier ministre. Rien d’illicite n’avait été démontré contre lui. Cassé par une presse aux réflexes de meute. Démoli par la trahison du président à son égard. Bérégovoy, l’exemple de l’homme qui se voulait intègre et exemplaire, mais trop proche de milieux qui eux étaient troubles. Lâché comme un simple kleenex dans un caniveau. Mort seul, suicidé, le long d’un canal un matin de printemps.
Hier Hollande et Ayrault se flagellaient sur la trahison qu’ils n’ont pas anticipée. Le méchant Cahuzac faisait exploser moralement le gentil gouvernement. Ils en devenaient des victimes. Reconnaissance implicite de leur manque d’autorité. Et Cahuzac, au sommet du déshonneur, se flagellait en demandant pardon. Cela est bien dérisoire. A tout le moins on espère que François Hollande reprendra en main ses services secrets. Quant à Ayrault, se défendre derrière son ignorance n’est pas digne d’un premier ministre.
Hier, le fantôme de Bérégovoy s’est invité à la table du pouvoir pour rappeler que l’exemplarité n’est pas un but en soi et que l’autorité est peut-être préférable à l’angélisme ou à la foi du charbonnier. L’exemplarité est, dans certains cas, une forme d’arrogance morale par laquelle l’élu doit montrer l’exemple, le chemin, être au-dessus du peuple qui nage comme un têtard dans l’imperfection. L’exemplarité, une forme d’angélisme quand il s’agit de morale, est un piège. Un piège que le président a lui-même ouvert lors de sa campagne. Un piège dans lequel il s’est mis pour être élu et qui se referme sur lui depuis 11 mois.
La quête de l’exemplarité est une quête quasi religieuse, qui rejoint celle de la pureté. Dans la recherche d’exemplarité, l’ambition à être meilleur que la moyenne est insupportable. C’est une quête vampirique et narcissique qui saigne celui qui s’y adonne. Un gouvernement doit bien plus faire preuve d’autorité que d’exemplarité, et montrer qu’il tient les rênes. Dire: «Je ne savais pas» c’est reconnaître que «Je ne maîtrise pas». On est ici dans le reflux d’une campagne présidentielle dont l’essentiel était de dire qu’on était mieux que l’autre. Le mécanisme était prévisible. Demander à des humains d’être surhumains n’est pas raisonnable.
Et si l’on se contentait simplement d’être compétent et plutôt honnête? On ne demanderait pas l’impossible aux humains, on ne les enfermerait pas dans un mythe, et l’on s’occuperait du pays.
Commentaires
@Hommelibre en parlant du fantome de Monsieur Bérégovoy vous faites bien on en connait plus d'un qui malheureusement sont entrain de redemander des comptes mais de manières détournées ou utilisant leur descendance pour bien montrer que morts ils ont été considérés mais leur esprit lui n'aura trouvé la paix que quand justice sera faite!
Ne pleurez pas mon esprit sera toujours présent ,sans doute cette phrase vous est-elle familière en tous cas en un canton romand beaucoup en sont de plus en plus certains.
toute belle journée pour Vous