Belle histoire (31) : la Bacotte a la cote.
L’Agriculture Poétique, vous connaissez? Clément Baillet, libre éleveur, vous en parlerait avec sa passion tranquille. Clément est fils de métayer. Il exploite une ferme d’élevage à Saint-Sever, sur l’Adour, aux premiers contreforts des Pyrénées.
Comment cet homme jeune est-il devenu ce paysan pas comme les autres? Cet homme qui parle à l’oreille des chèvres pyrénéennes?
« Tout commence il y a dix ans. Ce fils et petit-fils de métayer arrive ici avec huit biquettes pour débroussailler un petit lopin de terre familial et y faire pousser son rêve : devenir chevrier et vivre d’une production fromagère exemplaire. Le projet était un peu fou, 100 % autofinancé, 100 % plein air, et 100 % autonome, confesse le presque trentenaire. »
Il s’installe. Pas seul: en plus des chèvres il élève un groupe de porcs noirs gascons et des oies de Toulouse. Les porcs gascons sont une espèce ancienne et solide. Ils vivent et mangent dans la nature, ne sont jamais malades et demandent peu d’entretien. Ce sont des choix réfléchis.
« Si les pyrénéennes présentent une lactation modeste, ce qui peut représenter un handicap pour la rentabilité d’un atelier, c’est sans compter sur leur résistance, leur rusticité et la richesse de leur lait, qui donne un fromage à l’incroyable goût de terroir, s’enthousiasme Clément. »
Il est rapidement rejoint par son Frère Valentin et Marie, une amie. À trois il font vivre et croître cette exploitation qui mise tout sur les réseaux locaux et refusent ce qu’ils nomment la sordide dérive productiviste. C’est un choix éthique.
Ils rendent même service à la commune:
« Par tous les temps et en toute saison, le troupeau du trio sillonnera les routes du village afin de pâturer diverses variétés fourragères, pendant que les parcelles de l’exploitation s’octroieront un peu de répit. Exit le roto-fils et son bruit assourdissant, le cheptel de petits ruminants se charge désormais d’entretenir tout le paysage avoisinant. »
Clément Baillet ne se prévaut d’aucun label bio. Il veut rester libre et parler de production de qualité sans toujours mentionner biologique. Mais il a des critères: local, durable, nourriture naturelle, par exemple.
Il ne voulait pas de label, il a finit par créer le sien: L’Agriculture Poétique. Il a ensuite créé une association sous ce label, ce qui permet à d’autres producteurs de s’engager à ses côtés.
Clément Baillet et Marie Fischer ont ouvert une boutique, l’Atout Fermier, achalandée comme une épicerie lambda avec les produits d’une soixantaine de cultivateurs et éleveuses sur une zone de 150 km autour de Saint-Sever. Et cela marche.
Sur cet autre site on découvre qu’ils se sont également investis dans la formation. Ils développent donc un concept assez global qui leur assure une indépendance tout en travaillant dans le respect de la nature.
L’histoire de l’entrepreneur autodidacte qui développe sa propre activité, la fait croître et prospérer, est iconique. Il paie de sa personne et ne cherche pas le gain à court terme. L’engagement personnel est la base de l’entrepreneuriat.
Cette intéressante démarche contient aussi d’autres aspects. Par exemple, créer une boutique pour inclure d’autres partenaires est un passage non obligé mais très utile. Les clients n’iront pas faire leur marché en achetant un produit par ferme. Ils y passeraient la journée et feraient beaucoup trop de kilomètres. Grouper et offrir un bouquet est une bonne pratique commerciale. Les supermarchés sont nés de constat.
La spécificité est ici que les produits sont tous locaux. Ils répondent aux mêmes critères naturels de qualité et environnementaux. Leur publicité s’est faite de bouche à oreilles. Ils ne manquent pas d’humour, comme le montre leur slogan promotionnel sur l’affichette en image 3. La réussite dans la simplicité et l’humour, je trouve que c’est une belle histoire.
J’ignore si cette agriculture peut remplacer l’agriculture intensive et nourrir la planète. Mais elle est viable, en particulier dans une région aux populations réputées gourmandes et attachées au terroir.
Sur cette vidéo de 10 minutes Clément et Marie parlent de leurs bêtes et de leur démarche.
Commentaires
Voilà une preuve que la nouvelle jeunesse par son bon sens et son respect de la nature constitue le fernent du monde nouveau. Espoir !
Une agriculture "raisonnée" comme celle-ci est-elle viable et peut-elle nourrir la planète ?, c'est la question que pose Homme libre. Peut-être, mais dans un contexte différent.
1- Aujourd'hui, l'inflation touche une population qui s'appauvrit. Alors l'agriculture bio a beaucoup de difficultés car les clients font d'autres choix.
2- L"agriculture européenne est malmenée par une production étrangère qui n'obéit pas aux même règles sanitaires et écologiques, et qui vend à bas prix.
Je ne vois pas comment une concurrence déloyale et un pouvoir d'achat en berne vont permettre à nos "paysans" de vivre de leur travail. On trouvera toujours des exceptions, des gens qui vont s'investir à fond dans leur métier et se contenter de peu. Mais comment rendre cette profession attractive et rentable dans cette économie mondialisée ?
En effet Henri. D'accord avec vous, en particulier sur la concurrence déloyale.
La Bacotte est dans une région propice et un marché de niche (loca)), situation plutôt favorable.
Economie mondialisée, en effet, c'est là le problème. Mais ses effets se font déjà sentir. L'individu n'a plus les moyens d'acheter, les méga-entreprises n'arrivent plus à s'approvisionner et perdent leur clientéle, la dette tranforme la monnaie en papier sans valeur, les villes se vident car leurs habitants n'arrivent plus à suvivre. Résultat, il faut oublier le macro et revenir au micro, oublier le mondial et revenir au local pour subvenir à ses besoins grâce aux agriculeurs et artisans locaux, le boulanger, le boucher, le maraîcher, l'épicier, oublier le bio pour revenir au naturel, oublier le rêve illusoire de nourrir la planète plutôt que de se nourrir soi-même et les siens !