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La grande peur de l’eugénisme

A un degré ou à un autre l’eugénisme fait partie de notre monde. La question n’est pas d’être pour ou contre l’eugénisme - qui refuserait l’idée que son enfant puisse naître sans risque de handicap? - mais de distinguer les différents types d’eugénisme, et qui prend la responsabilité de mettre en place une pratique médicale ou hygiénique eugénique.

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L’eugénisme a mauvaise presse parce qu’en son nom des politiques contraignantes discriminatoires ont été mises en place. Il a également servi à alimenter des thèses racistes. La mesure la plus brutale a été la stérilisation forcée. L’Allemagne nazie a stérilisé des couples au nom de la pureté de la race. D’autres pays l’ont aussi fait.

Aux Etats-Unis, «Le programme visait d'abord les retardés mentaux et personnes sujettes à des troubles psychiques. De plus, certains États visaient aussi les sourds, les aveugles, les épileptiques et les victimes de malformations congénitales. (...) D'autres stérilisations, à une moindre échelle, ont eu lieu en prison et dans le cadre pénal, en visant la criminalité. Au total, plus de 65 000 personnes ont été stérilisées dans 33 États différents dans le cadre de programmes semblables» (Wikipedia).

Le Canada l’a également pratiquée, ainsi que la France (jusqu’à très récemment), la Suisse (le canton de Vaud jusqu’en 1985), le Pérou, Israël, le Japon, L’Australie, la Norvège, et d’autres Etats, à plus ou moins grande échelle.

Les craintes qu’inspire cet eugénisme sont l’emprise de l’Etat sur les individus et la sélection entre «bons humains», qu’on laisse se reproduire, et «mauvais humains» qui véhiculent des tares. Qui décide qui a le droit de vivre et de faire vivre, et selon quels critères? La question éthique n’est pas encore réglée. Soit on sacralise le vivant, quel que soient les problématiques qu’il reproduit, soit on donne à un groupe ou aux individus la possibilité d’éliminer ces problématiques. La limite étant qu’un parent n’est pas autorisé par le groupe à tuer son enfant quand il constate que celui-ci est atteint d’un handicap invalidant. D'ailleurs, une fois l'enfant né, personne n'y est autorisé et la personnalité juridique du nouveau-né prend pleinement effet. 

Le groupe prive le parent du pouvoir de vie ou de mort sur l’enfant et pose un contrat implicite initial à ses membres: la reconnaissance que la parentalité comporte aussi le risque du handicap, de la mort, de la maladie. Aucun groupe ne peut donner au parent le pouvoir de vie ou de mort car il met en cause la survie même du groupe, ainsi que, sur le plan de la morale, la capacité des individus à voir l’autre pour lui-même et non en fonction des satisfactions ou dérangements qu’il nous apporte. L’autre ne nous appartient pas. 

L’éthique comporte ici une part d’aléatoire puisque l’avortement laisse en partie à la convenance du parent le moment où l’on considère le vivant comme «autre» et celui où l’on a le pouvoir de vie ou de mort sur ce vivant en développement. Celui où il nous appartient de décider de la vie et la mort de ce vivant et celui où il devient autre et intouchable.


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Les espoirs

Le diagnostic préimplantatoire fait partie des mesures que certains considèrent comme de l’eugénisme. Ils ont raison: on analyse des cellules d’un embryon pour savoir s’il porte ou non les caractères d’une maladie génétique. Si c’est le cas on élimine l’embryon. On dépiste également la trisomie 21. Bien sûr une telle pratique peut donner des frissons: les humains choisissent quels êtres peuvent aller à terme. 

Mais est-il plus légitime de laisser vivre des êtres qui seront pour certains incapables d’être autonomes dans le monde? Au nom de la vie et de notre bonne conscience, ou de l’apprentissage de l’altérité et de l’acceptation de notre part de faiblesse, quelle vie offre-t-on à des êtres dont on sait qu’ils porteront un handicap invalidant?

Les parents d’enfants handicapés sont admirables d’abnégation et de courage. Ils entrent comme en sacerdoce. Je ne doute pas que l’on puisse faire d’une situation douloureuse, un diamant d’amour. Mais ils le font contraints. Choisiraient-ils volontairement de transmettre une maladie génétique invalidante à leur descendance? Choisiraient de procréer des enfants trisomiques rien que pour tester leur capacité d’abnégation? On espère que non.

Les parents souhaitent donc mettre au monde des enfants en bonne santé et sans maladie génétique héréditaire. C’est bien normal. Ils cherchent dès lors, et les professionnels de la santé avec eux, à mettre en place des meilleures conditions de reproduction et d’enfantement.

Aujourd’hui la recherche en ingénierie génétique permet d’envisager des traitements préventifs de certaines maladies à prédisposition génétique. C’est une manière d’améliorer la transmission et d’annuler ou d’atténuer le bagage parental ou familial.

 

 

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On y viendra et ces traitements seront un jour considérés comme normaux. Mais l’eugénisme est beaucoup plus large que cela. Reprenons sa définition selon le cnrtl.fr:

«Ensemble des recherches (biologiques, génétiques) et des pratiques (morales, sociales) qui ont pour but de déterminer les conditions les plus favorables à la procréation de sujets sains et, par là même, d'améliorer la race humaine».

On voit ici qu’il y a un bon eugénisme, qui est d’ailleurs associé à un prénom: Eugénie et Eugène, ou «bien né». Ce bon eugénisme est la conséquence entre autres de pratiques de vie favorisant la santé. La renonciation par une femme enceinte à l’alcool et au tabac est un exemple de décision eugéniste, puisque l'on sait que le tabac et l'alcool consommés par la femme enceinte peut favoriser une tendance addictive ou réduire le développement pulmonaire du futur enfant. Créer de bonnes conditions psychologiques, renforcer un terrain parental sur ses points faibles connus, est légitime. En homéopathie on connaît un eugénisme dont le but est d’atténuer l’impact des tendances pathogénésiques parentales sur le futur enfant.

Il y a quelques années on pensait qu’enfanter un bébé avec le sperme d’un prix Nobel allait conférer à l’enfant des caractéristiques proches de celles du géniteur. Aujourd’hui un couple qui procède à la PMA peut, dans certains pays, choisir un bébé sur catalogue selon des critères physiques ou intellectuels particuliers. On est là dans une forme d’eugénisme plus discutable. 

Mais ce n’est pas nouveau: une femme choisit un homme selon des critères souvent inconscients ou ressentis: les femmes alpha recherchent des hommes alpha, de bons reproducteurs. Dans les campagnes on connaissait les conditions de santé des familles sur plusieurs générations et cela pouvait déterminer des alliances préférentielles pour la descendance.

Aujourd’hui on n’invente rien sur le fond, c’est la technologie qui s’améliore et parfois l’Etat qui se mêle de décider qui peut procréer. Mais le désir de voir naître des enfants en bonne santé, d’éradiquer des maladies, d’éviter des malformations, de renforcer l’immunité, de faire vivre des enfants autonomes dans un groupe solide, est légitime. La différence d’avec l’eugénisme d’Etat, celui qui a été réprouvé, est que dans l’eugénisme moderne les individus décident par eux-mêmes, librement. Cela on ne pourra pas leur enlever, ni les condamner au nom d’une éthique qui n’arrive pas à cerner l’ensemble du problème, et qui oscille entre l’espoir de voir naître des enfants en bonne santé et la peur de donner aux politiques et aux médecins, ou aux individus, un pouvoir discrétionnaire sur le vivant ou de favoriser des thèses associées à tort ou à raison au racisme d’antan.

Entre le pragmatisme médical des uns et le principe éthique fondamental des autres, le débat restera encore longtemps ouvert. Il pourrait même rejaillir un jour sur l'avortement, question sur laquelle les pragmatiques dominent la réflexion.

 

 

Image 1: «Enfant géopolitique observant la naissance de l'Homme nouveau», Salvador Dali. Image 2: diagnostic préimplantatoire. Image 3: «Le jardin des délices» (partiel), Jérome Bosch.

 

Catégories : Philosophie, Politique, Santé, société 6 commentaires

Commentaires

  • J'espère simplement que les fanatiques religieux ne s'en mêlent pas.

  • La religion s'inscrit comme une gardienne de la morale du vivant, contre le pragmatisme. Il est difficile qu'elle ne fasse pas entendre sa voix.

    Les fanatiques, eux, sont dangereux, on le sait au sujet de l'avortement où des opposants sont déjà allés jusqu'à tuer des médecins pour montrer leur opposition.

  • @John Vous faites bien de parler de l'Eugénisme doctrine de sauvages et qui a détruit de nombreuses vies.
    Le mentale des victimes a été si exacerbé par les nombreuses cruautés physiques et mentales que ceci à ouvert leur esprit à quelque chose qui ne peut se comprendre et qui ne sera jamais expliqué à des inconnus
    Seuls les proches ou gens les ayant croisé durant leur enfance et quelques hauts magistrats connaissent désormais l'historique de leur famille
    Mais l'eugénisme est toujours présent plus diffus ,plus sournois et beaucoup plus dangereux car noyé dans des mensonges aussi gros que des maisons comme on disait et par-là même passant inaperçus aux profanes
    Et seuls ceux ayanr reçu des coups sentent le danger qui menace le simple mortel que nous sommes tous mais abonnés à différents dogmes tout aussi mensongers que celui qui faisait croire au loup à 4 pattes alors qu'il n'en avait que deux
    Toute belle journée pour vous

  • @Monsieur Dumitrescu en vous lisant j'ai éclaté de rire ! sans doute saurez vous pourquoi après avoir lu mon commentaire sur le blog de Monsieur Duval
    A nous victimes de l'Eugénisme et Hygiénisme social ,on ne nous la fait pas deux fois,rire
    Que les fanatiques religieux en s'en mêlent pas ? décidément faut vraiment être un 10 juin pour lire pareille niaiserie surtout quand on sait les nombreux politiciens laics et socialistes
    allez toute belle journée

  • Madame, je suis honoré et même flatté que vous m'adressiez la parole.

  • "Mais est-il plus légitime de laisser vivre des êtres qui seront pour certains incapables d’être autonomes dans le monde? Au nom de la vie et de notre bonne conscience, ou de l’apprentissage de l’altérité et de l’acceptation de notre part de faiblesse, quelle vie offre-t-on à des êtres dont on sait qu’ils porteront un handicap invalidant? "

    non

    j'ai une connaissance à ma famille qui ont une fille sans aucune autonomie, elle bave c'est tout ce quelle fait, et bien elle a un appartement, et des aides soignantes pour s'occuper d'elle en permanence !!! les parents disent c'est ses droits !!!

    à quoi ça rime, notre société est donc si riche que ça, pour aller aussi loin dans le compassionnel, le respect de la vie !!!

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