On connaît en détail les péripéties de l’atterrissage de Philae sur la comète Tchourioumov-Guérassimenko. Les ingénieurs de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) sont arrivés à reconstituer les cabrioles du petit robot d’après les informations qu’il a captées en provenance de Chury.
Il y a au moins deux points remarquables. Le premier est la précision de la mission puisque le premier contact de Philae avec la comète a eu lieu à 100 mètres de l’endroit prévu, dans la zone choisie par l’ESA. A 500 millions de kilomètres, dans l’espace, bravo!
Le second point est le gros coup de chance des ingénieurs. D’abord quelques précisions. Pour s’ancrer sur la surface de la comète, Philae disposait de plusieurs moyens. Un gaz devait être éjecté au moment du contact avec le sol afin de plaquer le robot sur la glace et l’immobiliser. Il disposait aussi de pieds-harpons, de vis pour s’arrimer, et d’un amortisseur de choc. On peut décomposer l’atterrissage en différentes séquences.
1. La séparation d’avec la sonde Rosetta a d’abord failli être reportée. La valve d’échappement du gaz était bloquée. Le largage a été décidé malgré cette panne. Au premier contact avec la glace, l’amortisseur a fonctionné mais pas les harpons. Le dispositif pyrotechnique était peut-être altéré par dix ans de vol entre la Terre et la comète. Sans harpon les vis des pieds n’ont pu se fixer.
2. Philae a rebondi sur le sol de glace recouvert de poussière. Sa vitesse a diminué grâce à l’amortisseur, passant de 3,6 km/h à 1,5 km/h. Son rebond l’a projeté à un kilomètre de hauteur. Le gyroscope qui le maintenait stable dans l’air s’est normalement arrêté et Philae s’est mécaniquement mis à tourner sur lui-même (1 tour par 13 secondes!).
3. Il a ensuite heurté un relief, ce qui a encore compliqué son mouvement. Celui-ci est devenu aléatoire.
4. Il s’est posé avant d’effectuer un deuxième rebond. Puis il s’est posé et calé entre des rochers. Ces rochers l’ont par chance immobilisé dans une position où il reste fonctionnel.
L’inconvénient est le manque de soleil pour recharger ses batteries. Les concepteurs de Philae gardent bon espoir que le robot se recharge dans deux ou trois mois, la comète étant alors proche du soleil et mieux éclairée. Si toutefois un dégazage ne le jette pas dans le vide! Une autre chance pour le robot est que d’une part, grâce au rebond, il a capturé de la poussière de comète et y a décelé des traces de molécules organiques, d’autre part il a pu survoler plusieurs endroits différents de la comète et analyser l’objet céleste sous différentes conditions. Mais, n’étant pas arrimé, il n’a pu creuser sous la glace, là où le matériaux cométaire n’a pas été altéré par les UV ou par le voyage dans l’espace. Autre chance: l’ombre préserve Philae. Sa durée de vie sera peut-être plus longue que prévue. S’il retrouve assez d’énergie il pourrait être encore actif au plus fort de l’activité cométaire.
Le robot est situé sur une zone de 20m par 200m, mais il n’a pas été photographié par la sonde Rosetta. Elle est trop loin et il est dans l’ombre. Le projet de diriger Rosetta au plus près pour localiser visuellement Philae vient d’être abandonné. La sonde a encore une longue mission pour accompagner la comète, analyser ses dégazages et étudier son comportement près de notre étoile. Les ingénieurs veulent donc préserver ses ressources en énergie.
«... modifier la trajectoire de Rosetta, planifiée longtemps à l'avance en fonction des objectifs scientifiques, aurait demandé un gros effort à la mission, confiait le 23 janvier Matt Taylor, responsable scientifique du projet, au magazine Nature. Et ce, sans garantie de retrouver l'explorateur. La navigation autour de la comète est en effet complexe et le nombre de survols limités dû à l'activité croissante de l'astre glacé à mesure qu'il s'approche du Soleil».
L’image 1 (cliquer pour agrandir) de l’ESA montre le robot au premier contact, photographié par la sonde Rosetta. En haut de l’image deux photos ont été prises, avant et après le contact. A 15:43 on voit le triangle formé par les traces des pieds de Philae.
Images ESA, dont la 3: première image en vraie couleur de la comète P67 Tchourioumov-Guérassimenko.
ROSETTA. Le détail de l'atterrissage de Philae... par sciencesetavenir