Revoir l’éducation des garçons (4) : rapport de force.
J’aborde aujourd’hui un point très sensible. Les corps déterminent des possibles. La différence moyenne de force entre femmes et hommes détermine la relation à la violence physique.
Celle-ci semble être majoritairement commise par des hommes, non seulement à l’intérieur des couples mais aussi en général dans la société. Les dispositions physiques ne sont pas tout. Il y a des femmes physiquement fortes, agressives et dangereuses.
Mais la justice et les prisons voient surtout défiler des hommes. Car en plus de la force naturelle les hommes sont éduqués, assignés même, et entraînés aux actions nécessitant cette force: armée, travaux de grande peine, par exemple. Ils sont en quelque sorte préparés à utiliser cette force.
Des femmes peuvent aussi utiliser la force quand elles l’ont, et l’homme n’est pas toujours le plus fort. Mais elles sont moins préparées à cela. J’ajoute que les hommes ont un plus haut taux de testostérone, hormone masculine. Est-ce dû à cela ou à autre chose? Toujours est-il que beaucoup de garçons se placent spontanément et rapidement en posture de confrontation.
La confrontation est un comportement fréquent chez de nombreuses espèces animales. Mais la préservation d’une espèce ou d’un clan tient non seulement à l’usage de la force mais aussi à la capacité de retenir cette force, quelle que soit la cause qui l’a générée. Ce peut être une agression, une trahison, une jalousie, ou autre.
Un clan, un groupe ou une espèce qui s’entre-déchirent sont voués à l’affaiblissement. Les codes, les règles, sont nécessaires pour endiguer la violence. La loi du plus fort est une forme d’injustice, car nous n’avons pas la maîtrise de ce que la nature nous donne à la naissance. Le fort dispose d’un avantage sur le moins fort. Pour que le groupe reste sauf, cet avantage doit être encadré.
Albert Camus écrivait: « Un homme, ça s’empêche. Voilà ce qu’est un homme, ou sinon… »
Dans Le premier homme, roman autobiographique inachevé, cette phrase survient dans un contexte de guerre d’Algérie. Le personnage de Cormery dit cela après avoir constaté le meurtre particulièrement sauvage de deux sentinelles: « Il avait été égorgé et, dans sa bouche, cette boursouflure livide était son sexe entier. C’est alors qu’ils avaient vu le corps aux jambes écartées, le pantalon de zouave fendu et, au milieu de la fente, dans le reflet cette fois indirect de la lune, cette flaque marécageuse. »
Un homme, ça s’empêche. Ça renonce à sa part de sauvagerie. Sans cela, aucune forme de civilisation avancée n’est possible. Le terme homme peut s’appliquer aux femmes également, mais la guerre est faite par les hommes et la violence physique de toute sorte est majoritairement de leur fait.
Toutefois des femmes peuvent être très violentes. La violence n’a pas de sexe par nature. Les hommes l’utilisent parce que leur corps le permet et parce qu’ils sont assignés gardiens et guerriers depuis la nuit des temps. Mais une femme peut être tout autant contraignante qu’un homme.
L’éducation des filles comme des garçons vise entre autres à contenir les relations empruntes de violence. Mais, dans l’idée qui fonde ma réflexion, soit la dissymétrie des sexes, la plus grande force physique des hommes nécessite un traitement spécial.
Je ne préconise pas de méthode d’éducation particulière, qui dépend des contextes culturels et familiaux. Mais quelle que soit la manière il faut à un moment ou un autre prendre le garçon à part et lui expliquer la dissymétrie et ses conséquences.
Il doit savoir qu’une certaine violence ou intensité des relations est toujours possible, avec des mots et des émotions, mais pas avec les poings ou des armes. Le mieux est de donner l’exemple, et celui des pères me semble très important. C’est à l’homme d’expliquer cela à son fils.
Pourquoi plus à l’homme? Parce que les garçons ont en général une loyauté viscérale avec la mère, qu’ils ne frapperont jamais ou même ne contesteront pas. Il y a trop d’affect. Le discours de la mère peut générer davantage de culpabilité et de désir d’être un bon fils que celui du père. L’efficacité lucide me paraît donc être du côté paternel.
Un père peut affirmer avec vigueur une limite, et montrer sa propre force dans cette affirmation. Un fils ne s’attaque pas au père par crainte, une crainte qu’il faut atténuer par une explication des raisons du frein que l’on demande plus aux hommes qu’aux femmes.
Le principe d’empêchement s’applique aux hommes en raison de leur force, mais aussi d’une autre manière et dans un autre domaine aux femmes en raison des risques de maternité. Une femme se retient pour ne pas devenir enceinte. Elle choisit son partenaire avec circonspection. Ce n’est pas très nouveau, cela se pratique depuis des générations. Mais contrairement à l’idéologie féministe qui veut gommer les différences spécifiques aux sexes, ici je préconise d’insister sur ces différences, et de le faire en connaissance de cause.
Cela suppose d’enseigner aux garçons à communiquer avec les mots plus qu’avec les poings. J’insiste donc sur l’exemple masculin, incarné en général par le père, pour permettre aux fils de se construire en gouvernant leur force physique.
Dans l’ensemble les hommes ne frappent pas leurs compagnes. Ceux qui le font sont une petite minorité d’hommes. Pourquoi passent-ils à l’acte? On peut supposer d’abord qu’il y a chez ces hommes un défaut dans la personnalité.
Ensuite il peut y avoir des situations de grande détresse, que la raison ne contient momentanément plus. Ce n’est pas une justification pour autant.
Les différences fondamentales filles-garçons doivent donc être ré-expliquées à ces derniers. Dans cette idée l’égalité entre les sexes ne devrait pas les priver de leur côté protecteur, et celui-ci peut être valorisant et valorisé.
Suite à venir
Précédentes notes sur ce sujet:
Note 1
Note 2
Note 3