Marco relève les yeux. Ses pieds et sa tête s’interrogent. Le nuage de poussière devient tout petit, comme un ruban clair qui tombe au sol. Doit-il encore attendre, une autre automobile, une caravane? Il n’y a pas de caravane ici. Elles ne viennent plus à son village. Autrefois leur route y passait. Il y a longtemps. Depuis l’abandon des mines la région était entrée en solitude. Le chemin s’était refermé. Les gens aussi. Parfois ils se querellaient. Trop de solitude, trop de dureté, trop de loi, cela en rendait fous. Ils se querellaient pour un coin d’ombre volé par un voisin, ou pour une figue mangée par un chien errant. Il arrivait que les querelles finissent dans le sang. Un mort pour rien, comme une expiation qu’aucun dieu ne demande. Personne ne jugeait le survivant. Aucun homme de loi, aucun chef coutumier. On ne lui reprochait rien. Il s’était défendu: c’est ainsi que le village pensait. Cela évitait les questions. Et puis faire une enquête aurait entraîné un procès, une condamnation à mort - homme pour homme, femme pour femme. Le village n’avait pas assez de bras et de ventres. Un mort ou une morte, c’était déjà bien assez. On en restait là. On ne tuait pas deux fois pour la même cause.
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Catégories : Carnet d'un rêveur
Tags : rêveur, liberté, soumission, chef, obéir, étranger, désert, mine, forge, pluie, sable, carnet
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